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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/193

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MORT DE MOÏSE.

Que l’on compare ce récit avec celui de l’Exode, et que l’on donne la préférence à celui qu’on voudra choisir ; pour moi, je ne suis pas assez savant pour en juger. Je conviendrai seulement que l’un et l’autre sont dans le genre merveilleux.


CHAPITRE XXV.
De la mort de Moïse[1].


Outre cette Vie de Moïse, nous avons deux relations de sa mort, non moins admirables. Il y a dans la première une longue conversation de Moïse avec Dieu, dans laquelle Dieu lui annonce qu’il n’a plus que trois heures à vivre. Le mauvais ange Samael assistait à la conversation. Dès que la première heure fut passée, il se mit à rire de ce qu’il allait bientôt s’emparer de l’âme de Moïse, et Michael se mit à pleurer. « Ne te réjouis pas tant, méchante bête, dit le bon ange au mauvais ; Moïse va mourir, mais nous avons Josué à sa place. »

Quand les trois heures furent passées. Dieu commanda à Gabriel de prendre l’âme du mourant. Gabriel s’en excusa, Michael aussi. Dieu, refusé par ses deux anges, s’adresse à Zinghiel. Celui-ci ne voulut pas plus obéir que les autres : « C’est moi, dit-il, qui ai été autrefois son précepteur ; je ne tuerai pas mon disciple. » Alors Dieu, se fâchant, dit au mauvais ange Samael : « Eh bien ! méchant, prends donc son âme. » Samael, plein de joie, tire son épée et court sur Moïse. Le mourant se lève en colère, les yeux étincelants : « Comment, coquin, lui dit Moïse, oserais-tu bien me tuer, moi qui, étant enfant, ai mis la couronne d’un pharaon sur ma tête ; qui ai fait des miracles à l’âge de quatre-vingts ans ; qui ai conduit hors d’Égypte soixante millions d’hommes ; qui ai coupé la mer Rouge en deux ; qui ai vaincu deux rois si grands que, du temps du déluge, l’eau ne leur venait qu’à mi-jambe ? Va-t’en, maraud, sors de devant moi tout à l’heure. »

Cette altercation dura encore quelques moments. Gabriel, pendant ce temps-là, prépara un brancard pour transporter l’âme de Moïse ; Michael, un manteau de pourpre : Zinghiel, une soutane. Dieu lui mit les deux mains sur la poitrine, et emporta son âme.

  1. Voltaire a reproduit aussi une partie de ce chapitre dans les Questions sur l’Encyclopédie. Voyez tome XVII, page 298.