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CONDUITE DES JUIFS APRÈS LA CAPTIVITÉ.

États, et même à Rome, la permission d’avoir des synagogues, il est de la plus grande probabilité qu’ils donnèrent beaucoup d’argent aux commissaires de la trésorerie de Cyrus et au chancelier de l’échiquier, pour qu’on leur permît de rebâtir leur ville avec un petit temple, moitié en pierre et moitié en bois. Mais quand ils retournèrent à leur Jérusalem ou à leur Hershalaïm, ils n’en furent guère plus heureux.

Sujets, ou plutôt esclaves des rois persans, ensuite d’Alexandre, tantôt des rois de Syrie, tantôt de ceux d’Égypte, ils ne composèrent plus un État ; ils ne furent pas, à beaucoup près, ce qu’était la province de Galles en comparaison de l’Angleterre du temps de notre Henri VIII. L’intérieur de leur petite république ne fut plus administré que par des prêtres : alors tout fut fixe et déterminé dans leur secte ; alors ils furent plus dévots que jamais. Ils furent d’autant plus Juifs que les Samaritains dédaignèrent de l’être et de passer pour leurs compatriotes. Ces Samaritains ne voulaient avoir rien de commun avec le peuple juif, pas même leur Dieu, L’historien Josèphe[1] rapporte qu’ils écrivirent au roi de Syrie, Antiochus Épiphanes, que leur temple ne portait le nom d’aucun dieu, qu’ils ne participaient point aux superstitions judaïques, et qu’ils le suppliaient de permettre qu’ils dédiassent leur temple à Jupiter.

Lorsque Antiochus Épiphanes fit sacrifier des cochons dans le temple de Jérusalem, quelques Juifs sensés ne murmurèrent pas, mais la plupart crurent que c’était une impiété abominable. Ils pensaient que Dieu n’aime point la chair de cochon, qu’il lui faut absolument des veaux ou des chevreaux, et que c’est un péché horrible d’immoler un porc. Les Machabées profitèrent de ces beaux préjugés du peuple pour se révolter. Cette révolte, que les Juifs ont tant célébrée, et que tous nos prédicateurs proposent si souvent comme un modèle, n’empêcha pas Antiochus Eupator, fils d’Épiphanes, de raser les murs du temple, et de faire couper le cou au grand prêtre Onias, qui fomentait la rébellion.

Les Juifs, pour qui Dieu avait fait tant de miracles ; les Juifs, qui, selon les oracles de leurs prophètes, devaient commander au monde entier, furent donc encore plus malheureux, plus humiliés sous les Séleucides que sous les Perses et les Babyloniens.

Après une infinité de révolutions et de misères, il s’éleva parmi eux des citoyens qui dépouillèrent les prêtres de leur autorité usurpée, et qui prirent le nom de rois. Ces prétendus rois

  1. Antiquités judaïques, l. XII, ch. v. (Note de Voltaire.)