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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/202

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CHAPITRE XXX.

ne valurent pas mieux que les pontifes ; ils s’égorgèrent les uns les autres comme ils faisaient avant la captivité de Babylone.

Pompée, en passant, fit mettre au cachot un de ces rois, nommé Aristobule, et fit pendre ensuite son fils, le roitelet Alexandre.

Quelque temps après, le triumvir Marc-Antoine donna le royaume de Judée à l’Arabe-Iduméen Hérode. C’est le seul roi juif qui ait été véritablement puissant. C’est lui qui fit bâtir un temple assez magnifique sur une grande plate-forme, qu’il joignit à la montagne Moria en comblant un précipice. Le temple de Salomon, bâti sur le penchant de la montagne, ne pouvait être qu’un édifice irrégulier et barbare, dans lequel il fallait continuellement monter et descendre.

Hérode, après avoir réprimé plusieurs révoltes, fut maître absolu sous la protection des Romains.


CHAPITRE XXX.
Des mœurs des Juifs sous Hérode.


Le peuple juif était si étrange, il vivait dans une telle anarchie, il était si adonné au brigandage avant le règne d’Hérode, qu’ils traitèrent ce prince de tyran lorsqu’il ordonna, par une loi très-modérée, qu’on vendrait désormais hors du royaume ceux qui voleraient dans les maisons après en avoir percé les murs ; ils se plaignirent qu’on leur ôtait la plus chère de leurs libertés. Ils regardèrent surtout cette loi comme une impiété manifeste. « Comment, disaient-ils, osera-t-on vendre un voleur juif à un étranger qui n’est pas de la sainte religion[1] ? » Ce fait, rapporté dans Josèphe, caractérise parfaitement le peuple de Dieu.

Hérode régna trente-cinq ans avec quelque gloire. Il fut, sans contredit, le plus puissant de tous les rois juifs, sans en excepter David et Salomon, malgré leur prétendu trésor d’environ un milliard de nos livres sterling.

Comme la Judée ne fut point, sous son règne, infestée d’irruptions d’étrangers, les Juifs eurent tout le temps de tourner leur esprit vers la controverse. C’est ce qui occupe aujourd’hui tous les peuples superstitieux et ignorants : quand ils n’ont pas de jeux publics ni de spectacles, ils s’adonnent alors aux disputes théologiques ; c’est ce qui nous arriva sous le déplorable règne

  1. Antiquités judaïques, l. XVI, ch. i. (Note de Voltaire.)