n’étaient forcés à recevoir ni le baptême ni la circoncision. Ils se contentaient presque toujours de se faire baptiser : cela est moins douloureux que de se faire couper le prépuce ; mais ceux qui avaient plus de vocation, et qu’on appelait prosélytes de justice, recevaient l’un et l’autre signe : ils étaient baptisés et circoncis[1]. Josèphe raconte qu’il y eut un petit roi de la province d’Adiabène, nommé Isatès, qui fut assez imbécile pour embrasser la religion des Juifs. Il ne dit point où était cette province d’Adiabène, mais il y en avait une vers l’Euphrate. On baptisa et on circoncit Isatès ; sa mère Hélène se contenta d’être baptisée du baptême de justice, et on ne lui coupa rien.
Au milieu de toutes les factions juives, de toutes les superstitions extravagantes, et de leur esprit de rapine, on y voyait, comme ailleurs, des hommes vertueux, de même qu’à Rome et dans la Grèce. Il y eut même des sociétés qui ressemblaient en quelque sorte aux pythagoriciens et aux stoïciens. Ils en avaient la tempérance, l’esprit de retraite, la rigidité de mœurs, l’éloignement de tous les plaisirs, le goût de la vie contemplative. Tels étaient les esséniens, tels étaient les thérapeutes.
Il ne faut pas s’étonner que, sous un si méchant prince qu’Hérode, et sous les rois précédents, encore plus méchants que lui, on vit des hommes si vertueux. Il y eut des Épictète à Rome du temps de Néron. On a cru même que Jésus-Christ était essénien, mais cela n’est pas vrai. Les esséniens avaient pour principe de ne se point donner en spectacle, de ne point se faire suivre par la populace, de ne point parler en public. Ils étaient vertueux pour eux-mêmes, et non pour les autres. Ils ne faisaient aucun étalage. Tous ceux qui ont écrit la vie de Jésus-Christ lui donnent un caractère tout contraire et très-supérieur.
Il n’y a qu’un fanatique ou qu’un sot fripon qui puisse dire qu’on ne doit jamais examiner l’histoire de Jésus par les lumières de la raison. Avec quoi jugera-t-on d’un livre quel qu’il soit ? Est-ce par la folie ? Je me mets ici à la place d’un citoyen de l’ancienne Rome qui lirait les histoires de Jésus pour la première fois.
- ↑ Antiquités judaïques, liv. XX, ch. ii. (Note de Voltaire.)