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CHAPITRE XXXII.

qui se dit le messie après lui. Il résulterait que sa conduite répondait à quelques points de sa doctrine : « Je suis venu apporter non la paix[1], mais le glaive. » Ce qui pourrait encore faire conjecturer que Judas était un officier du sanhédrin envoyé pour dissiper les factieux du parti de Jésus, c’est que l’Évangile de Nicodème[2], reçu pendant quatre siècles, et cité par Justin, par Tertullien, par Eusèbe, reconnu pour authentique par l’empereur Théodose ; cet Évangile, dis-je, commence par introduire Judas parmi les principaux magistrats de Jérusalem, qui vinrent accuser Jésus devant le préteur romain. Ces magistrats sont Annas, Caïphas, Summas, Datam, Gamaliel, Judas, Lévi, Alexandre, Nephthalim, Karoh (Cyrus).

On voit, par cette conformité entre les amis et les ennemis de Jésus, qu’il fut en effet poursuivi et pris par un nommé Judas, Mais ni le Toldos, ni le livre de Nicodème, ne disent que Judas ait été un disciple de Jésus, et qu’il ait trahi son maître.

Le Toldos et les Évangiles sont encore d’accord sur l’article des miracles. Le Toldos dit que Jésus en faisait en qualité de sorcier. Les Évangiles disent qu’il en faisait en qualité d’homme envoyé de Dieu. En effet, dans cet âge, et avant et après, l’univers croyait aux prodiges. Point d’écrivain qui n’ait raconté des prodiges ; et le plus grand sans doute qu’ait fait Jésus dans une province soumise aux Romains, c’est que les Romains n’en entendirent point parler. À ne juger que par la raison, il faut écarter tout miracle, toute divination. Il n’est question ici que d’examiner historiquement si Jésus fut en effet à la tête d’une faction, ou s’il eut seulement des disciples. Comme nous n’avons pas les pièces du procès fait par devant Pilate, il n’est pas aisé de prononcer.

Si on veut peser les probabilités, il paraît vraisemblable, par les Évangiles, qu’il usa de quelque violence, et qu’il fut suivi par quelques disciples emportés.

Jésus, si nous en croyons les Évangiles, est à peine arrivé dans Jérusalem[3] qu’il chasse et qu’il maltraite des marchands qui étaient autorisés par la loi à vendre des pigeons dans le parvis du temple pour ceux qui voulaient y sacrifier. Cet acte, qui paraît si ridicule à milord Bolingbroke, à Woolston, et à tous les francs-pensants, serait aussi répréhensible que si un fanatique s’ingérait

  1. Matth., x, 34.
  2. Voyez tome XXVII, page 508.
  3. Jean, ii, 15.