Mais, humainement parlant, un charpentier de Nazareth qu’on suppose ignorant aurait-il pu fonder une secte ? Oui, comme notre Fox[1], cordonnier de village, très-ignorant, fonda la secte des quakers dans le comté de Leicester. Il courait les champs vêtu d’un habit de cuir : c’était un fou d’une imagination forte, qui parlait avec enthousiasme à des imaginations faibles. Ayant lu la Bible, en faisant des applications à sa mode, il se fit suivre par des imbéciles ; il était ignorant, mais des savants lui succédèrent. La secte de Fox se forma et subsiste avec honneur, après avoir été sifflée et persécutée. Les premiers anabaptistes furent des malheureux paysans sans lettres.
Enfin l’exemple de Mahomet ne souffre point de réplique. Il se donna le titre de prophète ignorant. Bien des gens même doutent qu’il sût écrire. Le fait est qu’il écrivait mal, et qu’il se battait bien. Il avait été facteur ou, si l’on veut, valet d’une marchande de chameaux[2] ; ce n’est pas là un commencement fort illustre : il devint pourtant un très-grand homme. Revenons à Jésus, qui n’a rien de commun avec lui, et pour qui nous sommes tenus d’avoir un profond respect, indépendamment même de notre religion, de laquelle nous ne parlons pas ici.
Bolingbroke, Toland, Woolston, Gordon, etc., et d’autres francs-pensants, ont conclu de ce qui fut écrit en faveur de Jésus, et contre sa personne, que c’était un enthousiaste qui voulait se faire un nom dans la populace de la Galilée.
Le Toldos Jeschut dit qu’il était suivi de deux mille hommes armés, quand Judas vint le saisir de la part du sanhédrin, et qu’il y eut beaucoup de sang répandu. Mais si le fait était vrai, il est évident que Jésus aurait été aussi criminel que Barcochéba ? »
- ↑ Voyez tome XXII, page 88 ; et XXVI, 221, 227.
- ↑ Suivant les auteurs musulmans, Mahomet était pauvre, mais d’une des tribus les plus illustres et les plus riches de l’Arabie, à laquelle la garde du temple de la Mecque était confiée. Le premier exploit de Mahomet fut de se rendre maître de sa tribu, et de détruire l’idolâtrie qui s’était établie dans ce temple. Il avait épousé une riche veuve de sa tribu, après avoir été quelque temps son facteur ; mais les Arabes n’avaient pas d’idée de ce que nous appelons dérogeance. Un conducteur de chameaux, un facteur, s’il était d’une tribu illustre, conservait toute la fierté de sa naissance. (K.)