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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/210

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CHAPITRE XXXIII.

Le temps de son supplice est inconnu. Les rabbins diffèrent en cela des chrétiens de cinquante années. Irénée[1] diffère de vingt ans de notre opinion commune. Il y a une différence de dix années entre Luc et Matthieu, qui tous deux lui font d’ailleurs une généalogie[2] absolument différente, et absolument étrangère à la personne de Jésus. Aucun auteur romain ni grec ne parle de Jésus ; tous les évangélistes juifs se contredisent sur Jésus ; enfin, comme on sait, ni Josèphe ni Philon ne daignent nommer Jésus.

Nous ne trouvons aucun document chez les Romains, qui, dit-on, le firent crucifier. Il faut donc, en attendant la foi, se borner à tirer cette conclusion : Il y eut un Juif obscur de la lie du peuple, nommé Jésus, crucifié comme blasphémateur, du temps de l’empereur Tibère, sans qu’on puisse savoir en quelle année.


CHAPITRE XXXIII.
De la morale de Jésus.


Il est très-probable que Jésus prêchait dans les villages une bonne morale, puisqu’il eut des disciples. Un homme qui fait le prophète peut dire et faire des extravagances qui méritent qu’on l’enferme : nos millénaires, nos piétistes, nos méthodistes, nos mennonites, nos quakers, en ont dit et fait d’énormes. Les prophètes de France sont venus chez nous, et ont prétendu ressusciter des morts.

Les prophètes juifs ont été, aux yeux de la raison, les plus insensés de tous les hommes. Jérémie[3] se met un bât sur le dos et des cordes au cou. Ézéchiel[4] mange de la matière fécale sur son pain. Osée prétend que Dieu, par un privilége spécial, lui ordonne de prendre une fille publique, et ensuite une femme adultère, et d’en avoir des enfants. Ce dernier trait n’est pas édifiant, il est même très-punissable. Mais enfin, il n’y a jamais eu sur la terre d’homme soi-disant envoyé de Dieu, qui ait assemblé d’autres hommes pour leur dire : « Vivez sans raison et sans loi ; abandonnez-vous à l’ivrognerie ; soyez adultères, sodomites ; volez dans la poche ; volez, assassinez sur les grands chemins, et ne manquez pas d’assassiner ceux que vous aurez dépouillés, afin

  1. Voyez page 195.
  2. Voyez tome XIX, page 217.
  3. xxvii, 2.
  4. Ézéchiel, ch. iv ; Osée, ch. i. (Note de Voltaire.)