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CHAPITRE XXXV.

cerne la personne de Jésus, et faire voir clairement que lui et ses premiers disciples ont toujours été constamment de la religion des Juifs. Disons en passant qu’il est démontré par là que c’est une chose aussi absurde qu’abominable à des chrétiens de brûler les Juifs, qui sont leurs pères ; car les Juifs envoyés aux bûchers ont dû dire à leurs juges infernaux : « Monstres, nous sommes de la religion de votre Dieu, nous faisons tout ce que votre Dieu a fait, et vous nous brûlez ! »


CHAPITRE XXXV.
Des mœurs de Jésus, de l’établissement de la secte de Jésus, et du christianisme.


Les plus grands ennemis de Jésus doivent convenir qu’il avait la qualité très-rare de s’attacher des disciples. On n’acquiert point cette domination sur les esprits sans des talents, sans des mœurs exemptes de vices honteux. Il faut se rendre respectable à ceux qu’on veut conduire ; il est impossible de se faire croire quand on est méprisé. Quelque chose qu’on ait écrit de lui, il fallait qu’il eût de l’activité, de la force, de la douceur, de la tempérance, l’art de plaire, et surtout de bonnes mœurs. J’oserais l’appeler un Socrate rustique : tous deux prêchant la morale, tous deux sans aucune mission apparente, tous deux ayant des disciples et des ennemis, tous deux disant des injures aux prêtres, tous deux suppliciés et divinisés. Socrate mourut en sage ; Jésus est peint par ses disciples comme craignant la mort. Je ne sais quel écrivain[1] à idées creuses et à paradoxes contradictoires s’est avisé de dire, en insultant le christianisme, que Jésus était mort en dieu. A-t-il vu mourir des dieux ? les dieux meurent-ils ? Je ne crois pas que l’auteur de tant de fatras ait jamais rien écrit de plus absurde ; et notre ingénieux M. Walpole a bien raison d’avoir écrit qu’il le méprise[2].

Il ne paraît pas que Jésus ait été marié, quoique tous ses disciples le fussent, et que chez les Juifs ce fût une espèce d’opprobre de ne pas l’être. La plupart de ceux qui s’étaient donnés

  1. J.-J. Rousseau, dans la Profession de foi du vicaire savoyard. (K.) — Voyez le quatrième livre d’Émile.
  2. Voltaire veut parler de la lettre qu’Horace Walpole écrivit à propos de la querelle de Jean-Jacques et de Hume, en 1700. On la trouve dans l’Exposé succinct de Hume. (G. A.)