Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
213
FRAUDES DES CHRÉTIENS.

l’opinion d’un curé picard[1] n’est pas une preuve pour un Anglais, il m’en faut d’autres encore.

Les premières sont les erreurs et les fausses citations qui se trouvent dans les Évangiles. Saint Luc dit[2] que Cyrinus était gouverneur de Syrie quand Jésus naquit. Cette fausseté est reconnue de tout le monde : on sait que le gouverneur était Quintilius Varus. Voilà, dit-on, un des plus grossiers mensonges et des plus avérés dont on ait jamais souillé l’histoire. Il suffirait seul pour décréditer tous les Évangiles, et pour démontrer qu’ils ne furent écrits que longtemps après par des faussaires ignorants. C’est précisément comme si un de nos pamphleteers écrivait que la bataille de Blenheim[3] qui a signalé le règne de la reine Anne, s’est donnée sous le règne de George Ier. J’avoue que je suis accablé de ce mensonge, et que le plus effronté ou le plus imbécile commentateur, fût-ce un Calmet, ne peut le pallier.

Matthieu dit[4] que la fuite de Jésus en Égypte a été prédite par Osée[5] ; et, selon Luc, il n’alla jamais en Égypte.

Matthieu[6] dit que Jésus habita à Nazareth, pour accomplir la prophétie qui assure qu’il sera appelé Nazaréen ; et cette prophétie ne se trouve nulle part.

Milord Bolingbroke ne cesse de dire, dans son Examen important, que tout est rempli de pareilles prédictions, « ou entièrement imaginaires, ou interprétées comme celles de Merlin et de Nostradamus, avec une mauvaise foi qui indigne, et un ridicule qui fait pitié ». Je ne fais que rapporter ces paroles[7], je ne les adopte pas : c’est au lecteur à les peser.

Les récits des miracles ne sont pas moins extravagants, si l’on en croit tous les francs-pensants. Jérôme écrit sérieusement qu’un corbeau apporta tous les jours la moitié d’un pain à l’ermite Paul dans le désert de la Thébaïde pendant quarante années ; que le corbeau apporta un pain entier le jour que l’ermite Antoine vint rendre visite à l’ermite Paul ; et que Paul étant mort le jour suivant, il vint deux lions qui creusèrent sa fosse avec leurs ongles. Saint Pacome allait faire ses visites monté sur un crocodile.

  1. Meslier était curé champenois, comme Voltaire lui-même l’a dit, tome XXIV, page 294.
  2. Luc, ch. i, v. 1 et 2. (Note de Voltaire.)
  3. Ou d’Hochstedt ; voyez tome XIV, page 359.
  4. Matth., ch. ii, v. 14 et 15. (Note de Voltaire.)
  5. Osée, ch. xii, v. 1. (Id.)
  6. ii, 23.
  7. Ce ne sont pas tout à fait les paroles de l’Examen important ; voyez tome XXVI, pages 200 et 217.