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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/228

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CHAPITRE XXXVII.
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eux par les airs à ce firmament, en corps et en âme. Mais il régnait une autre opinion du temps de Paul et de Jésus, non moins séduisante : c’est qu’on ressusciterait pour entrer dans le royaume des cieux.

Paul avait beau dire aux Thessaloniciens qu’ils iraient droit au firmament sans mourir, ils sentaient bien qu’ils passeraient le pas tout comme les autres hommes, et que Paul mourrait lui-même ; mais ils se flattaient de la résurrection.

Cette espérance n’était pas une idée neuve : la métempsycose était une espèce de résurrection. Les Égyptiens ne faisaient embaumer leurs corps que pour qu’ils reçussent un jour leur âme[1]. La résurrection est nettement annoncée dans l’L’Énéide, livre VI, v. 713.

. . . . . . . . Animæ, quibus altera fato
Corpora debentur, Lethæi ad fluminis undam
Securos latices et longa oblivia potant.

On disputait déjà dans Jérusalem sur cette résurrection, du temps de Jésus. La chose n’est guère possible aux yeux d’un sage qui raisonne ; mais elle est consolante pour un ignorant qui espère et qui ne raisonne pas. Il s’imagine d’abord que sa faculté de penser et de sentir ira droit en paradis, où elle pensera et sentira sans organes. Ensuite il se figure que ses organes, devenus une poussière dispersée dans les quatre parties du monde, viendront reprendre leur première forme dans des millions de siècles, traverseront tous les globes célestes ; qu’il sera le même homme qu’il était autrefois ; qu’ayant pensé et senti sans corps pendant tant de siècles dans le paradis, il pensera et sentira enfin avec son corps, dont à la vérité il n’a nul besoin, mais qu’il aime toujours.

Platon n’était pas ennemi de la résurrection : il fait ressusciter Hérès pour quinze jours dans sa République. Je ne sais pas bien positivement pour combien de temps Lazare ressuscita : mes compatriotes qui voyagent dans les parties méridionales de France pourront aisément s’en instruire, car Lazare alla à Marseille avec Marie-Magdeleine, et les moines de ce pays-là ont sans doute son extrait mortuaire.

Je ne sais quel rêveur nommé Bonnet[2], dans un recueil de facéties appelées par lui Palingénésie, paraît persuadé que nos

  1. Voyez la note de la page 150.
  2. C’est le même que Voltaire appelle ailleurs philosophe éloquent et très-éclairé ; voyez tome XXV, page 156.