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CHAPITRE XL.

ses disciples, souffla sur eux, et leur dit : Recevez mon saint souffle. Et aujourd’hui ce souffle est Dieu.

Le concile d’Éphèse, qui anathématisa le patriarche de Constantinople Nestorius, n’est pas moins curieux que le premier concile de Nicée. Après avoir déclaré Jésus Dieu, on ne savait en quel rang placer sa mère. Jésus en avait usé durement avec elle à la noce de Cana ; il lui avait dit[1] : Femme, qu’y a-t-il entre vous et moi ? et lui avait d’abord refusé tout net de changer l’eau en vin pour les garçons de la noce. Cet affront devait être réparé. Saint Cyrille, évêque d’Alexandrie, résolut de faire reconnaître Marie pour mère de Dieu. L’entreprise parut d’abord hardie. Nestorius, patriarche de Constantinople, déclara hautement en chaire que c’était trop faire ressembler Marie à Cybèle ; qu’il était bien juste de lui donner quelques honneurs, mais que de lui donner tout d’un coup le rang de mère de Dieu, cela était un peu trop roide.

Cyrille était un grand faiseur de galimatias, Nestorius aussi. Cyrille était un persécuteur, Nestorius ne l’était pas moins. Cyrille s’était fait beaucoup d’ennemis par sa turbulence, Nestorius en avait encore davantage ; et les Pères du concile d’Éphèse, en 431, se donnèrent le plaisir de les déposer tous deux. Mais si ces deux évêques perdirent leur procès, la sainte Vierge gagna le sien : elle fut enfin déclarée mère de Dieu, et tout le peuple battit des mains.

On proposa depuis de l’admettre dans la trinité : cela paraissait fort juste, car, étant mère de Dieu, on ne pouvait lui refuser la qualité de déesse. Mais comme la trinité serait devenue par là une quaternité, il est à croire que les arithméticiens s’y opposèrent. On aurait pu répondre que puisque trois faisaient un, ils feraient aussi bien quatre, ou que les quatre feraient un, si on l’aimait mieux. Ces fières disputes durent encore, et il y a aujourd’hui beaucoup de nestoriens qui sont courtiers de change chez les Turcs et chez les Persans, comme les Juifs le sont parmi nous. Belle catastrophe d’une religion !

Jésus n’avait pas plus parlé de ses deux natures et de ses deux volontés que de la divinité de sa mère. Il n’avait jamais laissé soupçonner de son vivant qu’il n’y avait en lui qu’une personne avec deux volontés et deux natures. On tint encore des conciles pour éclaircir ces systèmes, et ce ne fut pas sans de très-grandes agitations dans l’empire.

  1. Jean, ii, 4.