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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/239

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DES MŒURS DE L’ÉGLISE.

Jamais Jésus n’eut aucune image dans sa maison, à moins que ce ne fût le portrait de sa mère, qu’on dit peinte par saint Luc. On a beau répéter qu’il n’avait point de maison, qu’il ne savait où reposer sa tête ; que quand il aurait été aussi bien logé que notre archevêque de Kenterbury, il n’en aurait pas plus connu le culte des images. On a beau prouver que pendant trois cents ans les chrétiens n’eurent ni statues ni portraits dans leurs assemblées ; cependant un second concile de Nicée a déclaré qu’il fallait adorer des images.

On sait assez quelles ont été nos disputes sur la transsubstantiation, et sur tant d’autres points. Enfin, disent les francs-pensants, prenez l’Évangile d’une main et vos dogmes de l’autre : voyez s’il y a un seul de ces dogmes dans l’Évangile, et puis jugez si les chrétiens qui adorent Jésus sont de la religion de Jésus. Jugez si la secte chrétienne n’est pas une bâtarde juive née en Syrie, élevée en Égypte, chassée avec le temps du lieu de sa naissance et de son berceau ; dominante aujourd’hui dans Rome moderne, et dans quelques autres pays d’Occident par l’argent, la fraude, et les bourreaux. Ne nous dissimulons pas que ce sont là les discours des hommes de l’Europe les plus instruits, et avouons devant Dieu que nous avons besoin d’une réforme universelle.


CHAPITRE XLI.
Des mœurs de Jésus et de l’Église.


J’entends ici par mœurs les usages, la conduite, la dureté ou la douceur, l’ambition ou la modération, l’avarice ou le désintéressement. Il suffit d’ouvrir les yeux et les oreilles pour être certain qu’en toutes ces choses il y eut toujours plus de différence entre les Églises chrétiennes et Jésus qu’entre la tempête et le calme, entre le feu et l’eau, entre le soleil et la nuit.

Parlons un moment du pape de Rome, quoique nous ne le reconnaissions pas en Angleterre depuis près de deux siècles et demi[1]. N’est-il pas évident qu’un fakir des Indes ressemble plus à Jésus qu’un pape ? Jésus fut pauvre, alla servir le prochain de bourgade en bourgade, mena une vie errante ; il marchait à pied ; ne savait jamais où il coucherait, rarement où il mangerait.

  1. Voltaire écrivait cela en 1769. Le schisme de Henri VIII est de 1534 ; voyez tome XII, page 314.