Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/291

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
281
DE LA COUR DE LOUIS XIV.

M. Colbert a protesté que pendant ving-cinq ans qu'il avait eu l'honneur d'être au service du roi et de l'approcher de fort près, il ne lui avait jamais entendu dire qu'une seule parole de vivacité, et jamais aucune qui ressentit la médisance [1].


MORT DU ROI.


(1715.) Lorsqu'on proposa au roi de recevoir les derniers sacrements, il répondit : « Ah ! très-volontiers, j'en serai bien aise ; » et après sa confession il dit : « Je suis en paix, je me suis bien confessé. »

Quelque temps après il dit à une personne de confiance : « Je me trouve le plus heureux homme du monde, j'espère que Dieu m'accordera mon salut ; qu'il est aisé de mourir ! » Il dit ces dernières paroles en fondant en larmes [2].

Il dit aux médecins qui paraissaient affligés : « M'aviez-vous cru immortel ? Pour moi, je ne me le suis pas cru [3]. »

Le roi ayant perdu connaissance, quand elle fut revenue il dit à son confesseur : « Mon père, donnez-moi encore une absolution générale de tous mes péchés [4]. »

Son confesseur lui ayant fait faire attention à ces dernières paroles du Pater : [5] Nunc et in hora mortis nostrœ, le roi les répéta souvent, et dit à Mme de Maintenon, qui était auprès de lui : « C'est donc maintenant, pré-

  1. C'est cela qui mérite de passer à la postérité, et de servir d'exemple à tous les princes. Ils tuent quelquefois par leurs paroles.
  2. Les domestiques pleuraient ; mais aucun ne dit que Louis XIV eût pleuré. De plus, les approches de la mort dessèchent trop pour qu'on pleure.
  3. On nous assura que ce fut à ses premiers valets de chambre, baignés de larmes, qu'il avait adressé ces paroles si justes et si fermes : « M'avez-vous cru immortel ? » Pour moi, je ne me le suis pas cru aurait trop gâté ce noble discours.
  4. C'était le jésuite Le Tellier : il avait à se reprocher plus de péchés que le roi (a).
  5. On ne sait ce que l'auteur de ces mémoires veut dire ; ce n'est point dans la prière appelée Pater que sont ces paroles. On soupçonne que le courtisan, auteur de ces mémoires, ne savait pas plus de latin que Louis XIV. (b)

    (a) Sur ce jésuite, voyez tome XV, page 53.

    (b) C'est dans l'Ave Maria, ou Salutation angélique, que sont ces paroles nunc et in hora, etc.