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374 COUTUME

et l'esclavage ? Comme il prouve un cens de deux gros, par son terrier.

Un homme franc qui va demeurer dans l'habitation de sa femme mainmortahle est pris au trébuchet, et devient esclave comme elle.

La femme franche qui épouse un mari mainmortahle, obligée de suivre ce mari pour obéir aux lois naturelles, divines et hu- maines, sera esclave comme son mari.

Ces décisions sont appuyées par Ménochius, Baldus \ la loi Juha, et vingt textes des lois romaines, jointes à Grivellius^. H reste cependant à la femme la ressource d'enterrer son mari, et de fuir diligemment en lieu franc.

Le malheur d'être dans l'humiliation de l'esclavage n'est pas le seul qui poursuit, jusque dans les générations les plus recu- lées, les malheureux Comtois, régis par un vieux livre hun qu'ils n'entendent pas : ils peuvent laisser la lèpre de l'esclavage à leurs enfants, et souvent ne peuvent les consoler ni se consoler eux- mêmes (si toutefois la consolation est possible) en leur transmet- tant les fatales propriétés qui leur ont coûté la liberté.

Un prêtre qui va demeurer dans un bénéfice à résidence; une fille qui est obligée de suivre son nouvel époux; les frères ou autres parents, même le père et le fils, forcés de se séparer pour l'humeur intolérable d'un d'eux, ou pour cause d'établissement, ou qui, demeurant en même maison, font bourse, commerce ou jjot à part, par goût, économie, délicatesse, n'importe, s'ils meurent le seigneur est leur héritier.

Une mère qui, passant à de secondes noces, ne peut emme- ner son enfant, s'il meurt le seigneur est son héritier.

Un enfant, indigné de la servitude, use-t-il du remède que la loi lui accorde pour acquérir la liberté, il perd le droit de suc- céder à son père : le seigneur prend sa place.

Un garçon se mariant à un parti convenable va chez son beau-père : il perd, lui et ses enfants, le droit d'hériter de son propre père. Consolons-nous, il n'y aura rien de perdu, le sei- gneur recueillera en place de ceux qui n'auront pu recueillir.

Comme les successions sont réciproques, la perte du droit de succession est double, parce que ceux à qui l'on ne peut succé- der ne peuvent succéder non plus.

��1. Pierre Balde de Ubaldis, élève et émule de Barthole.

2. J. Grivellius, auteur des Decisiones celeberrimœ senatus Dolani: Genève, 1660, in-folio; Dijon, 1731, in-folio. (B.)

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