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DE FRANCHE-COMTE. 373

tion (le cette tenure n'est pas le seul vice qui affecte l'héritage mainmortable; il a la fatale propriété d'engloutir la liberté de celui qui vient l'habiter : au bout d'un an, l'homme libre meurt esclave. C'est ainsi que ce piège, toujours tendu, renouvelle l'es- clavage et le perpétue.

Le lecteur se récrie sur cette double chaîne : soulageons-le d'une ; examinons la personnelle,

AI. Dunod, qui a pu traiter froidement et indifféremment, dans un volume in-4o \ cette partie du code d'Attila, forme habi- lement un chaînon entre la mainmorte et l'esclavage chez les Romains; il croit sérieusement la justifier en citant les lois do cette fameuse république. Les lois romaines sur les esclaves nous importent aussi peu que celles sur les vestales. Où est le rapport entre un citoyen français et sa possession, et l'état d'un ennemi des Romains fait prisonnier ou esclave ?

Mais passez au commentateur deux esclaves : il les fera peu- pler de façon à couvrir de petits esclaves par naissance toute une province, tout un royaume : ajoutez à ce moyen quelques bara- ques bâties sur le fonds pestilentiel de la mainmorte ; tous ceux qui les habiteront pendant un an, même par hasard, seront esclaves comtois par habitation, fussent-ils Turcs ou Hébreux ; et leur maladie inhérente aux os (ce sont les termes de l'auteur) résiste à tous les remèdes de Keiser - et d'Agironi. On peut donc être mainmortable par la naissance ou par un an d'habitation sur la mainmorte; et voilà une qualité plus tenace que la noblesse : on ne peut plus la perdre, ni ne pas la communiquer. Un bâtard qui a été fait en passant sur la mainmorte gagne lestement l'in- firmité, et la garde pour lui et les siens, bâtards ou non. L'auteur a grand soin de dire que par le mot descendants on doit entendre les descendants à l'infini : c'est, dit-il, le sens du mot postérité, qui est celui de la coutume; enfin il fait de la mainmorte un second péché originel.

Non content du secret double et toujours fécond de faire des esclaves, l'auteur demande s'il n'y aurait pas moyen d'en faire aussi par convention. Aidé de quelques lambeaux des Pandectes et d'un chapitre de Grotius, il conclut que c'est un troisième moyen très-sûr.

Mais comment un seigneur peut-il prouver la mainmorte

��1. Traité de la Mainmorte et des Retraits, Dijon, 1733, in-4".

2. Médecins spéciaux pour le traitement de la syphilis. Les dragées de Keiser étaient fort à la mode.

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