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440 SERxMON DU PAPA

hommes, que dans le fond du cœur il ne leur veut aucun mal ; qu'il ne les a point formés pour être malheureux dans ce monde- ci, et damnés dans l'autre; ainsi nous ne regardons comme images de Dieu que les rois qui font du bien aux hommes.

Que Moustapha me pardonne donc si je ne puis le recon- naître pour image de Dieu. J'entends dire que cet homme, avec qui nous n'avions rien à démêler, s'est avisé d'abord de violer le droit des gens, de mettre dans les fers un ministre public S qu'il devait respecter, et qu'il a envoyé vers nos terres une troupe de brigands dévastateurs, n'osant pas y venir lui-même.

Je n'imaginerai jamais, mes frères, que Dieu et un Turc san- guinaire et poltron se ressemblent comme deux gouttes d'eau.

Mais ce qui m'étonne davantage, ce qui me fait dresser à la tête le peu de cheveux qui me restent, ce qui me fait crier : Heli, Hcli, Lamma Sanathani, ou Laba Sanathani, ce qui me fait suer sang et eau, c'est que je viens de lire dans un Manifeste de confé- dérés ou conjurés de Pologne, comme il vous plaira, ces propres paroles (page 5) :

« La Sublime-Porte, notre bonne voisine et fidèle alliée, excitée par les traités qui la lient à la république et par l'intérêt même qui l'attache à la conservation de nos droits, a pris les armes en notre faveur. Tout nous invite donc à réunir nos forces pour nous opposer à la chute de notre sainte religion. »

Ah ! mes frères, en quoi cette Porte est-elle sublime ? C'est la Porte du palais bâti par Constantin, et ces barbares l'ont arrosée du sang du dernier des Constantins. Peut-on donner le nom de sublimes à des loups qui sont venus égorger toute la bergerie? Quoi ! ce sont des chrétiens qui parlent, et ils osent dire qu'ils ont appelé les fidèles mahométans contre leur propre patrie, contre les chrétiens !

BraA es Polonais, ce n'était pas ainsi ({u'on entendit parler et qu'on vit agir votre grand Sobieski, lors([ue, dans les plaines de Choczim-, il lava dans le sang de ces brigands la honte de votre nation qui payait un tribut à la Sublime-Porte ; lorsque ensuite il sauva Vienne ^ du carnage et des fers; lorsqu'il remit l'empe- reur chrétien sur son trône. Certes, vous n'appeliez pas alors ces ennemis du genre humain vos bons voisins et vos fidèles alliés.

Quel est le but, mes chers frères, de cette alliance mons-

��1. D'Obreskofl', ministre de Russiej voyez ci-dessus, page 3GI.

2. En 1674, voyez tome XIII, page 128.

3. En 1683, voyez tome XIII, pages 601 et suiv.

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