Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/457

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

A CICERON. 447

11 y a (lu Lon, donc Dieu Test; il y a du mal, donc ce mal ne vient point de lui. Comment enfin dois-je envisager Dieu? Comme un père qui n'a pu faire le bien de tous ses enfants.

��VII, — Si Dieu est infini, et s'il a pu empêcher le mal.

Quelques philosophes^ me crient : « Dieu est éterne], infini, tout-puissant; il pouvait donc défendre au mal d'entrer dans son édifice admirable, »

Prenez garde, mes amis : s'il l'a pu, et s'il ne l'a pas fait, vous ]e déclarez méchant, vous en faites notre persécuteur, notre bour- reau, et non pas notre Dieu, ^

Il est éternel sans doute. Dès qu'il existe quelque être, il existe un être de toute éternité, sans quoi le néant donnerait l'existence, La nature est éternelle; l'intelligence qui l'anime est éternelle. Mais d'où savons-nous qu'elle est infinie? la nature est-elle infinie? Qu'est-ce que l'infini actuel? Nous ne connaissons que des bornes; il est vraisemblable que la nature a les siennes : le vide en est une preuve. Si la nature est limitée, pourquoi l'intel- ligence suprême ne le serait-elle pas? Pourquoi ce Dieu, qui ne peut être que dans la nature, s'étendrait-il plus loin qu'elle? Sa puissance est très- grande, mais qui nous a dit qu'elle est infinie, quand ses ouvrages nous montrent le contraire ; quand la seule ressource qui nous reste pour le disculper est d'avouer que son pouvoir n"a pu triompher du mal physique et moral? Certes, j'aime mieux l'adorer borné que méchant.

Peut-être, dans la vaste machine de la nature, le bien l'a-t-il emporté nécessairement sur le mal, et l'éternel Artisan a-t-il été forcé dans ses moyens en faisant encore (malgré tant de maux) ce qu'il y avait de mieux.

Peut-être la matière a été rebelle à l'inlelligence qui en dis- posait les ressorts.

Qui sait enfin si le mal, qui règne depuis tant de siècles, ne produira pas un plus grand bien dans des temps encore plus longs?

Hélas! faibles et malheureux humains, vous portez les mêmes chaînes que moi; vos maux sont réels, et je ne vous console que par des peut-être,

1. Épicure; voyez, plus loin, le paragraphe 18 de : Il faut prendre un parti.

�� �