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480 LETTRE

n'a jamais pu posséder les cent mille écus ; si enfin le petit-fils et sa propre mère ont avoué et signé librement qu'ils ont voulu voler le maréchal de camp, et qu'il n'a jamais reçu que douze cents francs, au lieu de trois cent mille livres : l'affaire alors vous paraît-elle éclaircie, et le public est-il assez instruit des pré- liminaires?

2° Je m'en rapporte à vous, monsieur ; est-il probable qu'une pauvre veuve d'un inconnu, qu'on dit avoir été un vil agioteur et non un banquier, ait pu avoir une somme si considérable à prêter au hasard à un officier publiquement endetté? Le maré- chal de camp soutient enfin que l'agioteur, mari de cette femme, mourut insolvable; que son inventaire même ne fut pas payé; que ce prétendu banquier fut d'abord garçon boulanger chez M. le duc de Saint-Aignan, ambassadeur en Espagne; qu'il fit ensuite le métier de courtier à Paris, et qu'il fut obligé par M, Hérault, lieutenant de police, de rendre des billets à ordre ou lettres de change qu'il avait extorqués d'un jeune homme: tant la malédiction semble être sur cette famille pour les billets à ordre! Si tout cela est prouvé, vous paraît-il vraisemblable que cette famille ait prêté cent mille écus à un officier obéré qu'elle ne connaissait pas?

3" Trouvez-vous probable que le petit-fils de l'agioteur, doc- teur es lois, ait couru cinq lieues à pied, ait fait vingt-six voyages, ait monté et descendu trois mille marches, le tout pendant cinq heures sans s'arrêter, pour porter en secret douze mille quatre cent vingt-cinq louis d'or à un homme auquel il donne le lendemain douze cents francs en public? Une telle histoire vous paraît-elle inventée par un insensé très-maladroit? Ceux qui la croient vous paraissent-ils sages? Que pensez-vous de ceux qui la débitent sans la croire?

h" Est-il probable que le jeune Du Jonquay, docteur es lois, et sa propre mère, aient avoué juridiquement et signé chez un premier juge, nommé chez nous commissaire, que toute cette histoire était fausse, qu'ils n'avaient jamais porté cet or, et qu'ils étaient des fripons, si en effet ils ne l'avaient pas été, si le trouble et le remords ne leur avaient pas arraché cette confes- sion de leur crime ? Et quand ils disent ensuite qu'ils n'ont fait cet aveu chez le premier juge que parce qu'on leur avait donné précédemment un coup de poing chez un procureur, cette excuse vous paraît-elle raisonnable ou absurde?

N'est-il pas évident que si ce docteur es lois a été battu en effet dans une autre maison pour cette même affaire, il doit

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