Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/491

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avoir demandé justice de cette violence à ce premier juge, au lieu de signer librement avec sa mère qu’ils sont coupables tous deux d’un crime qu’ils n’ont point commis ?

Seraient-ils recevables à dire : « Nous avons signé notre condamnation, parce que nous avons cru que le maréchal de camp avait gagné contre nous tous les officiers de la police et tous les premiers juges? »

Le bon sens permet-il d’écouter de telles raisons? Aurait-on osé les proposer dans nos temps même de barbarie, où nous n’avions encore ni lois, ni mœurs, ni raison cultivée ?

Si j’en crois les Mémoires très-circonstanciés du maréchal de camp, les coupables, ayant été mis en prison, ont d'abord persisté dans l’aveu de leur crime. Ils ont écrit deux lettres à celui qu’ils avaient chargé du dépôt des billets extorqués au maréchal de camp. Ils voulaient rendre ces billets; ils étaient effrayés de leur délit, qui pouvait les conduire aux galères ou à la potence. Ils se sont raffermis depuis. Ceux avec lesquels ils doivent partager le fruit de leur scélératesse les encouragent; l’appât de cette somme immense les séduit tous. Ils appellent toutes les fraudes obscures de la chicane au secours d’un crime avéré. Ils profitent adroitement des détresses où l’officier obéré s’est trouvé quelquefois réduit pour le faire croire capable de rétablir ses affaires par un vol de cent mille écus. Ils excitent la compassion de la populace, qui ameute bientôt tout Paris. Ils touchent de pitié des avocats, qui se font un devoir d’employer pour eux leur éloquence, et de soutenir le faible contre le puissant, le peuple contre la noblesse. L’affaire la plus claire devient la plus obscure. Un procès simple, que le magistrat de la police aurait terminé en quatre jours, se grossit, pendant plus d’un an, de la fange que tous les canaux de la chicane y apportent. Vous verrez que tout cet exposé est le résumé des Mémoires produits dans cette cause fameuse.


PRÉSOMPTIONS EN FAVEUR DE LA FAMILLE VÉRON.


Voici maintenant les défenses de l’aïeule, de la mère, et du petit-fils, docteur es lois, contre ces fortes présomptions.

1° Les cent mille écus (ou approchant) qu’on prétend que la veuve Véron n’a jamais possédés, lui furent donnés autrefois par son mari, en fidéicommis, avec de la vaisselle d’argent. Ce fidéicommis lui fut apporté en secret six mois après la mort de ce mari, par un nommé Chotard. Elle les plaça, et toujours en secret,