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486 LETTRE

5° Que la fille de la Véron, dans son i^aletas, ail emprunté quelquefois de petites sommes sur gag^^s, que la Véron en ait prêté pour faire son petit-fils conseiller au parlement, cela ne fait rien au fond de l'affaire; il paraît toujours que ce magistrat n'a pas couru cinq lieues à pied pour porter cent mille écus, et que le maréchal de camp ne les a jamais reçus.

6° Un nommé Aubourg se présente, non-seulement comme témoin, mais comme protecteur, comme bienfaiteur de l'inno- cence opprimée. Les avocats de la famille Véron font de cet homme un citoyen d'une vertu aussi intrépide que rare. Il a été sensible aux malheurs du docteur Du Jonquay, de sa mère, de sa grand'- mère, qu'il ne connaissait pas : il leur a offert son crédit et sa bourse, sans autre intérêt que le plaisir héroïque de secourir la vertu qu'on persécute.

A l'examen, il se trouve que ce héros de la bienfaisance est un malheureux qui a d'abord été laquais, puis tapissier, puis courtier, puis banqueroutier, et qui prête aujourd'hui sur gages, comme la Véron et la Tourtera. Il vole au secours des personnes de sa profession. Cette Tourtera lui a donné d'abord vingt-cinq louis pour disposer sa probité à prêter son ministère à la famillie désolée. Le généreux Aubourg a eu la grandeur d'âme de faire un contrat avec la vieille aïeule presque mourante, par lequel elle lui donne cent quinze mille livres sur les cent mille écus que doit le maréchal de camp, à condition qu'Aubourg fera les frais du procès. Il prend même la précaution de faire ratifier ce marché dans le testament qu'on dicte à la vieille agioteuse, ou qu'on sup- pose prononcé par cette vieille. Cet homme vénérable espère donc partager un jour, avec quelques témoins, les dépouilles du maréchal de camp. C'est le grand cœur d'Aubourg qui a ourdi cette trame; c'est lui qui a conduit le procès dont il a fait son patrimoine. Il a cru que des billets à ordre seraient infailliblement payés : c'est un receleur qui partage le butin des voleurs, et qui en prend pour lui la meilleure part.

Telles sont les réponses du maréchal de camp. Je n'en diminue rien, je n'y ajoute rien; je ne fais que raconter.

Je vous ai exposé, monsieur, toute la substance de ce procès, et tout ce qu'on allègue de plus fort des deux côtés.

Je vous demande à présent votre opinion sur ce qu'il faut prononcer en cas que les choses restent dans le même état, en cas qu'on ne puisse arracher irrévocablement la vérité d'aucun côté, et la manifester sans nuage.

Les raisons de l'officier général paraissent jusqu'ici couvain-

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