Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/518

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permis de traiter ainsi un citoyen ? Ce commis me paraît punissable ; mais enfin Je docteur en droit avoue; et ces mots : « Je signerai, si l’on veut, que j’ai volé tout Paris, » paraissent plutôt les expressions d’un homme qui ne rougit de rien que celles d’un honnête homme indigné d’être accusé d’un crime.

La mère et le fils sont conduits chez le commissaire, qui passe pour un homme très-doux et très-sage : on ôte les menottes au fils, et tous deux libres signent devant lui leur condamnation. On les mène en prison, et la chose paraît juste. Détenus en prison, ils renoncent d’abord à leur prétention chimérique ; ils écrivent, dit-on, à un ancien avocat, leur conseil, qu’ils se désistent. Les sœurs du malheureux vont chez le même commis de police qui a intimidé leur frère et leur mère ; elles implorent la pitié du magistrat de la police dans une lettre qu’elles lui écrivent chez ce même commis. Alors nulle probabilité en faveur des accusés : tout est contre eux, tout est pour le maréchal de camp. Plus de procès; l’affaire est consommée. Point du tout, on la fait revivre : elle devient plus violente et plus obscure qu’auparavant.


NOUVELLES PROBABILITÉS CONTRE LA FAMILLE AUX CENT MILLE ÉCUS.


Le petit-fils et la mère, encouragés par un homme qui fut autrefois avocat^ rétractent leur aveu, et reviennent contre leur signature. Ils soutiennent qu’on les a violentés chez le procureur, qu’on les a battus, qu’on les a menacés de la corde s’ils ne signaient pas. Ils crient qu’ils ont cédé à la tyrannie; mais qu’enfin, ayant repris leurs sens, ils espèrent tout de la justice.

Ici le calcul des probabilités augmente contre eux. Vous prétendez avoir été maltraités, et vous signez chez un commissaire que vous méritez de l’être ! Vous dites qu’on vous a traités de coquins, et vous signez que vous êtes des coquins! Vous criez qu’on vous a menacés de la corde, et vous signez que vous avez fait une action à vous faire pendre! Et chez qui écrivez-vous votre condamnation ? Chez un commissaire honnête homme, à qui vous pouviez, au contraire, rendre une plainte juridique contre vos bourreaux qui vous ont fait (dites-vous) tant de violence. La crainte a arraché votre aveu, et conduit votre main! Quelle crainte aviez-vous, si vous étiez innocents? C’était aux suppôts de la police, à ces bourreaux volontaires de deux citoyens, à