est donc éternel comme lui, de même que la lumière est aussi ancienne que le soleil, le mouvement aussi ancien que la matière, les aliments aussi anciens que les animaux : sans quoi le soleil, la matière, les animaux, auraient été non-seulement des êtres
inutiles, mais des êtres de contradiction, des chimères.
Que pourrait-on imaginer en effet de plus contradictoire qu'un être essentiellement agissant qui n'aurait pas agi pendant une éternité ; un être formateur qui n'aurait rien formé, et qui n'aurait formé quelques globes que depuis très-peu d'années, sans qu'il parût la moindre raison de les avoir formés plutôt en un temps qu'en un autre ? Le principe intelligent ne peut rien faire sans raison ; rien ne peut exister sans une raison antécédente et nécessaire. Cette raison antécédente et nécessaire a été éternellement : donc l'univers est éternel.
Nous ne parlons ici que philosophiquement : il ne nous appartient pas seulement de regarder en face ceux qui parlent par révélation.
Il est clair que cette suprême intelligence nécessaire, agissante, a une volonté, et qu'elle a tout arrangé parce qu'elle l'a voulu. Car comment agir et former tout sans vouloir le former ? Ce serait être une pure machine, et cette machine supposerait un autre premier principe, un autre moteur. Il en faudrait toujours revenir à un premier être intelligent, quel qu'il soit. Nous voulons, nous agissons, nous formons des machines quand nous le voulons : donc le grand Démiourgos très-puissant a tout fait parce qu'il l'a voulu.
Spinosa lui-même reconnaît dans la nature une puissance intelligente, nécessaire ; mais une intelligence destituée de volonté serait une chose absurde, parce que cette intelligence ne servirait à rien : elle n'opérerait rien, puisqu'elle ne voudrait rien opérer. Le grand Être nécessaire a donc voulu tout ce qu'il a opéré.
J'ai dit tout à l'heure qu'il a tout fait nécessairement, parce que si ses ouvrages n'étaient pas nécessaires, ils seraient inutiles. Mais cette nécessité lui ôterait-elle sa volonté ? Non, sans doute ; je veux nécessairement être heureux, je n'en veux pas moins ce bonheur ; au contraire, je le veux avec d'autant plus de force que je le veux invinciblement.