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IL FAUT PRENDRE UN PARTI,

Cette nécessité lui ôte-t-elle sa liberté ? Point du tout. La liberté ne peut être que le pouvoir d'agir. L'Être suprême, étant très-puissant, est donc le plus libre des êtres.

Voilà donc le grand artisan des choses reconnu nécessaire, éternel, intelligent, puissant, voulant, et libre.


VII. — Que tous les êtres, sans aucune exception, sont soumis aux lois éternelles.


Quels sont les effets de ce pouvoir éternel résidant essentiellement dans la nature ? Je n'en vois que de deux espèces, les insensibles et les sensibles.

Cette terre, ces mers, ces planètes, ces soleils, paraissent des êtres admirables, mais brutes, destitués de toute sensibilité. Un colimaçon qui veut, qui a quelques perceptions, et qui fait l'amour, paraît en cela jouir d'un avantage supérieur à tout l'éclat des soleils qui illuminent l'espace.

Mais tous ces êtres sont également soumis aux lois éternelles et invariables.

Ni le soleil, ni le colimaçon, ni l'huître, ni le chien, ni le singe, ni l'homme, n'ont pu se donner rien de ce qu'ils possèdent ; il est évident qu'ils ont tout reçu.

L'homme et le chien sont nés malgré eux d'une mère qui les a mis au monde malgré elle. Tous deux tettent leur mère sans savoir ce qu'ils font, et cela par un mécanisme très-délicat, très-compliqué, dont même très-peu d'hommes acquièrent la connaissance.

Tous deux, au bout de quelque temps, ont des idées, de la mémoire, une volonté ; le chien beaucoup plus tôt, l'homme plus tard.

Si les animaux n'étaient que de pures machines, ce ne serait qu'une raison de plus pour ceux qui pensent que l'homme n'est qu'une machine aussi ; mais il n'y a plus personne aujourd'hui qui n'avoue que les animaux ont des idées, de la mémoire, une mesure d'intelligence ; qu'ils perfectionnent leurs connaissances ; qu'un chien de chasse apprend son métier ; qu'un vieux renard est plus habile qu'un jeune, etc.

De qui tiennent-ils toutes ces facultés, sinon de la cause primordiale éternelle, du principe d'action, du grand Être qui anime toute la nature ?

L'homme a les facultés des animaux beaucoup plus tard qu'eux, mais dans un degré beaucoup plus éminent ; peut-il les