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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/577

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LA VOIX DU CURE

SUR LE PROCÈS DES SERFS DU MONT-JURA ^

��ARTICLE I.

��Le jour de Saint-Louis 1772 je pris i)ossession de ma cure. Plusieurs de mes paroissiens vinrent en troupe me demander mes secours en versant des larmes. Je leur dis que ma cure ap- partient à des moines qui me donnent une pension de quatre cents francs, qu'on appelle, je ne sais pourquoi, portion congrue, et que je la partagerais volontiers avec mes amis. Leur syndic, portant la parole, me répondit ainsi :

(( Nous sommes prêts nous-mêmes à mettre à vos pieds le peu qui nous reste, et à ti'availler de nos mains pour subvenir à vos besoins. Nous venons seulement demander votre appui pour sortir de l'esclavage injuste sous lequel nous gémissons dans ces déserts que nous avons défrichés.

— Comment! que voulez-vous dire, mes enfants? Quel escla- vage? Est-ce qu'il y a des esclaves en France?

— Oui, monsieur, reprit le syndic; nous sommes esclaves des mêmes moines sécularisés qui vous donnent quatre cents francs pour desservir votre cure, et qui recueillent le fruit de vos tra- vaux et des nôtres. Ces moines, devenus chanoines, se sont faits nos souverains, et nous sommes leurs serfs nommés mainmor- tables. Secourez-nous au nom de ce roi qui ne fit la guerre que pour délivrer des esclaves chrétiens, et dont nous célébrons au- jourd'hui la fête. »

1. Les Mémoires secrets parlent, à la date du 20 octobre 1772, de la Voix du curé,- qui doit être de la première quinzaine du mois. C'est le cinquième écrit de Voltaire en faveur des serfs du Mont-Jura; voyez la note 3 de la page 353.

— L'affaire des moines de Saint-Claude ayant été renvoyée devant le parle- ment de Besançon, Christin se chargea de la défense des serfs, et Voltaire lança cet écrit pour chauffer l'opinion. La pièce est violente; aussi fut-il question de la brûler quand, plus tard, les anciens parlements eurent repris leurs siéses. (G. A.)

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