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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/68

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DISCOURS

qu’il a ordonné par ces mêmes prophètes : vous n’osez sacrifier et offrir des victimes sur les autels. Il est vrai que le feu ne descend plus du ciel, comme vous dites qu’il descendit du temps de Moïse, pour consumer la victime ; mais cela, de votre aveu, n’est arrivé qu’une fois sous Moïse[1] et une autre fois longtemps après sous Élie[2], natif de Thèbes ; d’ailleurs je montrerai que Moïse a cru qu’on devait apporter le feu d’un autre lieu, et que le patriarche Abraham avait eu longtemps avant lui le même sentiment. À l’histoire du sacrifice d’Isaac, « qui portait lui-même le bois et le feu », je joindrai celle d’Abel, dont les sacrifices ne furent jamais embrasés par le feu du ciel, mais par le feu qu’Abel avait pris. Peut-être serait-ce ici le lieu d’examiner par quelle raison le Dieu des Hébreux approuva le sacrifice d’Abel, et

  1. Remarquez, mon cher lecteur, qu’on vous dit tous les jours qu’il se faisait des miracles autrefois, mais qu’il ne s’en fait plus actuellement, parce qu’ils ne sont plus nécessaires, et que le messie étant venu, le christianisme (que jamais Jésus n’a prêché) est répandu aujourd’hui sur toute la terre. Oui, misérables, vos papes ont fait ce qu’ils ont pu pour étendre leur puissance aux bornes du monde, mais leurs émissaires imposteurs ont été chassés du Japon, de la Chine, du Tonquin, de la Cochinchine ; enfin la religion des papes est en horreur dans toute l’Asie, dans toute l’Afrique, dans le vaste empire russe. Ce qu’ils appellent le catholicisme ne règne pas dans la dix-neuvième partie de la terre.

    Ne dites donc pas que vous n’avez plus besoin de miracles ; vous en avez tant de besoin que vous en supposez encore tous les jours, et vous ne canonisez pas un seul de vos prétendus saints que vous ne lui attribuiez des miracles. Toutes les nations en supposèrent autrefois par centaines, et le peuple hébreu étant le plus sot de tous, il eut bien plus de miracles que tous les autres.

    Celui d’Élie, dont parle ici l’empereur Julien, est sans doute un des plus impertinents : faire descendre le feu du ciel, et monter ensuite au ciel dans un char à quatre chevaux enflammés, c’est une imagination plus extravagante encore que celle de la femme de Loth changée en statue de sel.

    Mais qui était cet Élie ? quand a-t-on écrit son histoire ? de quel pays était-il ? Les livres hébreux n’en disent rien. Ne voit-on pas clairement que la fable d’Élie se promenant dans les airs sur un char de feu à quatre chevaux est une grossière imitation de la fable allégorique des Grecs sur le char du soleil nommé en grec Ἥλιος ? Les Juifs, comme on l’a déjà dit [voyez tome XXVI, page 208], pouvaient-ils faire autre chose que de déguiser stupidement les fables grecques et asiatiques à mesure qu’ils en entendaient parler ? Par quel exécrable prestige y a-t-il encore des idiots qui se laissent tromper par ces fadaises rabbiniques ? Mettez tous les contes hébraïques sous des noms indiens, il n’y a personne parmi vous qui ne les regarde avec le mépris le plus dédaigneux ; mais cela s’appelle la Bible, la Sainte Écriture, des fripons l’enseignent, des sots la croient, et cette crédulité enrichit des tyrans perfides. C’est pour s’engraisser de notre substance et de notre sang qu’on nous fait révérer ces contes de vieille.

    Je parle comme Julien parlait, parce que je pense comme lui. Je crois avec lui que jamais la Divinité n’a été si déshonorée que par ces fables absurdes. (Note de Voltaire.)

  2. III. Rois, xviii, 38.