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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/67

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DE L’EMPEREUR JULIEN.

vous avez certainement lu Dieu le Verbe. Mais si Dieu, ce fils unique, est un autre que le Verbe Dieu, comme je l’ai entendu dire souvent à plusieurs de votre religion. Jean ne semble-t-il pas, dans ses discours obscurs, oser dire encore quelque chose de semblable, et rendre douteux ce qu’il dit ailleurs ?

On doit regarder Jean comme le premier auteur du mal, et la source des nouvelles erreurs que vous avez établies, en ajoutant au culte du Juif mort que vous adorez celui de plusieurs autres. Qui peut assez s’élever contre un pareil excès ! Vous remplissez tous les lieux de tombeaux, quoiqu’il ne soit dit dans aucun endroit de vos Écritures que vous deviez fréquenter et honorer les sépulcres. Vous êtes parvenus à un tel point d’aveuglement que vous croyez sur ce sujet ne devoir faire aucun cas de ce que vous a ordonné Jésus de Nazareth. Écoutez ce qu’il dit des tombeaux : « Malheur à vous, scribes, pharisiens, hypocrites, parce que vous êtes semblables à des sépulcres reblanchis : au dehors le sépulcre paraît beau, mais en dedans il est plein d’ossements de morts et de toutes sortes d’ordures[1]. » Si Jésus dit que les sépulcres ne sont que le réceptacle des immondices et des ordures, comment pouvez-vous invoquer Dieu sur eux ? Voyez ce que Jésus répondit à un de ses disciples, qui lui disait : « Seigneur, permettez, avant que je parte, que j’ensevelisse mon père. Suivez-moi, répliqua Jésus, et laissez aux morts à enterrer leurs morts[2]. »

Cela étant ainsi, pourquoi courez-vous avec tant d’ardeur aux sépulcres ? Voulez-vous en savoir la cause ? Je ne la dirai point, vous l’apprendrez du prophète Isaïe[3] : « Ils dorment dans les sépulcres, et dans les cavernes, à cause des songes. » On voit clairement, par ces paroles, que c’était un ancien usage chez les Juifs de se servir des sépulcres, comme d’une espèce de charme et de magie, pour se procurer des songes. Il est apparent que vos apôtres, après la mort de leur maître, suivirent cette coutume, et qu’ils l’ont transmise à vos ancêtres, qui ont employé cette espèce de magie, beaucoup plus habilement que ceux qui vinrent après eux, qui exposèrent en public les lieux (et pour ainsi dire les laboratoires) où ils fabriquaient leurs charmes.

Vous pratiquez donc ce que Dieu a défendu, soit par Moïse, soit par les prophètes. Au contraire, vous craignez de faire ce

  1. Matth., xxiii, 27.
  2. Matth., viii, 21, 22. (Note de Voltaire).
  3. Isaïe, lxv, 4. (Id.)