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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/72

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DISCOURS

faite sur la chair. Vous l’avez entièrement supprimée, et vous répondez : Nous sommes circoncis par le cœur. Ainsi donc chez vous, Galiléens, personne n’est méchant, ou criminel, vous êtes tous circoncis par le cœur[1]. Fort bien. Mais les azymes, mais la pâque ? Vous répliquez : Nous ne pouvons point observer la fête des


    circoncision comme une marque éternelle et certaine de son alliance entre lui et la postérité de ce même Abraham. Il est évident par l’Écriture que cela a été l’intention de Dieu, et qu’il s’est expliqué là-dessus d’une manière la plus claire et la plus forte. Moïse renouvela dans la suite la loi de la circoncision dans celle qu’il établit par l’ordre de Dieu. Jésus-Christ, qui nous a appris qu’il était venu pour accomplir, et non pas pour détruire la loi, n’a jamais rien dit qui tendît à la suppression de la circoncision. Les évangélistes n’ont fait aucune mention de ce qu’il eût voulu interrompre l’usage de cette cérémonie. Par quelle raison donc les chrétiens, quelque temps après la mort de leur divin législateur, se crurent-ils dispensés de la pratiquer ? Saint Paul lui-même, qu’on cite pour autoriser la cessation de la circoncision, la fit à son disciple Timothée [Actes, xvi, 3] : il la crut donc nécessaire. Pourquoi changea-t-il de sentiment dans la suite ? fut-ce par une révélation ? il ne dit point qu’il en ait eu aucune à ce sujet ; fut-ce parce qu’il devint plus instruit ? il avait donc été dans l’ignorance lorsqu’il était apôtre un assez long temps. (Note de M. d’Argens.)

  1. Ajoutons à cette excellente note de M. le marquis d’Argens que les naturalistes n’ont pas donné des raisons plausibles de la circoncision. Ils ont prétendu qu’elle prévenait les ordures qui pourraient se glisser entre le gland et le prépuce. Apparemment qu’ils n’avaient jamais vu circoncire. On ne coupe qu’un très-petit morceau du prépuce qui ne l’empêche point du tout de recouvrir le gland assez souvent dans l’état du repos. Pour prévenir les saletés, il faut se laver les parties de la génération comme on se lave les mains et les pieds. Cela est beaucoup plus aisé que de se couper le bout de la verge, et beaucoup moins dangereux, puisque des enfants sont quelquefois morts de cette opération.

    Les Hébreux, dit-on, habitaient un climat trop chaud ; leur loi voulut éviter les suites d’une chaleur excessive qui pouvait causer des ulcères à la verge. Cela n’est pas vrai. Le pays montueux de la Palestine n’est pas plus chaud que celui de Provence. La chaleur est beaucoup plus grande en Perse, vers Ormus, dans les Indes, à Canton, en Calabre, en Afrique. Jamais les nations de ce pays n’imaginèrent de se couper le prépuce par principe de santé. La véritable raison est que les prêtres de tous les pays ont imaginé de consacrer à leurs divinités quelques parties du corps, les uns en se faisant des incisions comme les prêtres de Bellone ou de Mars ; les autres en se faisant eunuques comme les prêtres de Cybèle. Les talapoins se sont mis des clous dans le cul ; les fakirs, un anneau à la verge. D’autres ont fouetté leurs dévotes comme le jésuite Girard fouettait la Cadière. Les Hottentots se coupent un testicule en l’honneur de leur divinité, et mettent à la place une boulette d’herbes aromatiques. Les superstitieux Égyptiens se contentèrent d’offrir à Osiris un bout de prépuce. Les Hébreux, qui prirent d’eux presque toutes leurs cérémonies, se coupèrent le prépuce, et se le coupent encore.

    Les Arabes et les Éthiopiens eurent cette coutume de temps immémorial en l’honneur de la divinité secondaire qui présidait à l’étoile du petit chien. Les Turcs, vainqueurs des Arabes, ont pris d’eux cette coutume, tandis que, chez les chrétiens, on jette de l’eau sur un petit enfant et qu’on lui souffle dans la bouche. Tout cela est également sensé, et doit plaire beaucoup à l’Être suprême. (Note de Voltaire.)