Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
63
DE L’EMPEREUR JULIEN.

azymes ni celle de la pâque : Christ s’est immolé pour nous une fois pour toutes, et il nous a défendu de manger des azymes. Je suis ainsi que vous un de ceux qui condamnent les fêtes des Juifs, et qui n’y prennent aucune part : cependant j’adore le Dieu qu’adorèrent Abraham, Isaac, et Jacob, qui, étant Chaldéens, et de race sacerdotale, ayant voyagé chez les Égyptiens, en prirent l’usage de leur circoncision. Ils honorèrent un Dieu qui leur fut favorable, de même qu’il l’est à moi et à tous ceux qui l’invoquent ainsi qu’Abraham. Il n’y a qu’à vous seuls à qui il n’accorde pas ses bienfaits, puisque vous n’imitez point Abraham, soit en lui élevant des autels, soit en lui offrant des sacrifices.

Non-seulement Abraham sacrifiait souvent ainsi que nous, mais il se servait de la divination comme l’on fait chez les Grecs. Il se confiait beaucoup aux augures, et sa maison trouvait sa conservation dans cette science. Si quelqu’un parmi vous, ô Galiléens ! refuse de croire ce que je dis, je vous le prouverai par l’autorité de Moïse. Écoutez-le parler : « Après ces choses, la parole du Seigneur fut adressée à Abraham dans une vision, en disant : Ne crains point, Abraham, je te protège, et ta récompense sera grande. Abraham dit : Seigneur, que me donnerez-vous ? Je m’en vais sans laisser d’enfants, et le fils de ma servante sera mon héritier. Et d’abord la voix du Seigneur s’adresse à lui et lui dit : Celui-ci ne sera pas ton héritier ; mais celui qui sortira de toi, celui-là sera ton héritier. Alors il le conduisit dehors, et lui dit : Regarde au ciel et compte les étoiles, si tu peux les compter ; ta postérité sera de même. Abraham crut à Dieu, et cela lui fut réputé à justice. » Dites-moi actuellement pourquoi celui qui répondit à Abraham, soit que ce fut un ange, soit que ce fût un dieu, le conduisit-il hors de son logis ? Car quoiqu’il fût auparavant dans sa maison, il n’ignorait pas la multitude innombrable d’étoiles qui luisent pendant la nuit. Je suis assuré que celui qui faisait sortir Abraham voulait lui montrer le mouvement des astres, pour qu’il pût confirmer sa promesse, par les décrets du ciel qui régit tout, et dans lequel sont écrits les événements.

Afin qu’on ne regarde pas comme forcée l’explication du passage que je viens de citer, je la confirmerai par ce qui suit ce même passage[1]. « Le Seigneur dit à Abraham : Je suis ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays des Chaldéens pour te donner cette terre en héritage. Abraham répondit : Seigneur, comment con-

  1. Genèse, ch. xv, v. 7, 8, 9, 10, et 11. (Note de Voltaire.)