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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/75

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AU DISCOURS DE JULIEN.

composé au premier siècle : ce livre ridicule dans lequel on ose faire prédire Jésus-Christ par Jacob.

Il eût exposé les romans d’Hégésippe, de Marcel, et d’Abdias, où l’on voit Simon Barjone, surnommé Pierre, allant à Rome avec Simon l’autre magicien, disputer devant Néron à qui ferait le plus de prodiges : l’un ressuscitant un parent de Néron à moitié, l’autre le ressuscitant tout à fait ; l’un volant dans les airs, l’autre cassant les jambes de son rival, après s’être fait tous deux des compliments par leurs chiens, qui parlaient très-bon latin.

Il eût montré les fausses lettres de Pilate, les fausses lettres de Jésus-Christ à un prétendu Abgare, roi d’Édesse, dans le temps qu’il n’y avait point de roi à Édesse ; les fausses lettres de Paul à Sénèque, et de Sénèque à Paul ; les fausses Constitutions apostoliques, dans lesquelles il est dit que lorsqu’on donne un bon souper, il faut porter deux portions au diacre et quatre à l’évêque, parce que l’évêque est au-dessus de l’empereur ; enfin de mauvais vers grecs attribués aux sibylles, dans lesquels on prédit Jésus-Christ en acrostiches.

Cet amas de turpitudes, dont je n’ai pas spécifié ici la dixième partie, eût sans doute porté l’indignation et le mépris dans tous ceux qui réfléchissaient. On eût reconnu l’esprit de la faction galiléenne, qui a commencé par la fraude, et qui a fini par la tyrannie.

Que n’eût-il point dit, s’il avait daigné examiner à fond les prodiges rapportés dans cinquante-quatre évangiles : un dieu fait homme pour aller à la noce chez des paysans et pour changer l’eau en vin en faveur des garçons de la noce, déjà ivres[1] ; un dieu fait homme pour aller sécher un figuier[2] en avouant que ce n’est pas le temps des figues ; un dieu fait homme pour envoyer le diable dans un troupeau de deux mille cochons[3], et cela dans un pays qui n’eut jamais de cochons en aucun temps ; un dieu que le diable emporte sur le haut d’un temple et sur le haut d’une montagne[4] dont on découvre tous les royaumes de la terre ; un dieu qui se transfigure pendant la nuit[5] et cette transfiguration consiste à avoir un habit blanc, et à causer avec Moïse et Élie, qui viennent lui rendre visite ; un dieu législateur qui n’écrit pas un seul mot ; un dieu qui est pendu en public, et qui ressuscite en secret ; un dieu qui prédit qu’il reviendra dans

  1. Jean, ii, 9.
  2. Matth., xi, 19 ; Marc, xi, 13.
  3. Matth., viii, 32 ; Marc, xi, 13.
  4. Matth., iv, 8 ; Luc, iv, 5.
  5. Matth., xvii, 2, 3.