Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/12

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grec se servent du mot faire, et non du mot créer. Ce n’est pas même une question chez les savants.

Au mot Messie, Paulian avant ouï dire que cet article est savamment traité dans la grande Encyclopédie, s’est imaginé que l’auteur était un laïque, et par conséquent que ce morceau était d’un athée ; il ne savait pas que cet excellent morceau est de M. Polier de Bottens[1], théologien beaucoup plus éclairé que lui, et beaucoup plus honnête ; il se jette avec fureur sur les laïques comme sur des esclaves échappés des chaînes des jésuites. On est indigné des outrages que ce fanatique de collège leur prodigue. À l’article Mahométisme, voici comme il parle : « Les dogmes et la morale de cette religion forment l’Alcoran, livre dont la lecture n’est permise qu’à un petit nombre de mahométans : on enseigne dans ce livre que Dieu a un corps, que l’âme est matière, que la circoncision est nécessaire, que Jésus-Christ est le Messie, que la béatitude consistera dans les plus sales voluptés. »

Examinons ce seul article : autant de mots, autant de faussetés, et toutes très-palpables. Il est très-faux que la lecture du Koran ne soit permise qu’à un petit nombre. Il faut apprendre à cet ex-jésuite que, sur le dos de chaque exemplaire du Koran, ces lignes du sura[2] 56 sont toujours écrites : Personne ne doit toucher ce livre qu’avec des mains pures ; c’est pourquoi tout musulman se lave les mains avant de le lire. Ce jésuite s’imagine qu’il en est par toute la terre comme à Rome, où l’on a défendu de lire la Bible sans une permission expresse ; il pense qu’on admet dans le reste du monde cette contradiction : Voilà la vérité, et vous ne la lirez pas ; voilà votre règle, et vous n’en saurez rien.

Dieu a un corps. Rien n’est plus faux encore, c’est une calomnie impertinente. Si Paulian avait lu une bonne traduction de l’Alcoran, il aurait vu au sura 17 ces propres paroles : « L’esprit a été créé par Dieu même. » Pour prouver que Dieu est un être pur, Mahomet dit au sura 37 « que Dieu n’a ni fils ni fille » ; et dans le sura 112 : « Dieu est le seul Dieu, l’éternel Dieu : il n’engendre ni n’est engendré, et rien ne lui ressemble dans l’étendue des êtres. »

Il est bien vrai que, dans l’Alcoran, on se sert quelquefois des mots de trône, de tribunal, pour exprimer imparfaitement la grandeur de l’Être suprême ; mais jamais on ne fait descendre Dieu sur la terre, jamais on ne le rabaisse aux fonctions humaines. Il faut que ce Paulian n’ait jamais lu ce livre dont il parle si affirma-

  1. Voyez la note, tome XX, page 62.
  2. Les sura sont les chapitres. (Note de Voltaire.)