Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/13

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tivement ; il ne connaît pas plus son Alcoran que son Évangile.

L’âme est matière. Il n’y a pas un mot dans tout l’Alcoran qui puisse le moins du monde excuser cette imposture.

La circoncision est nécessaire. Il n’est pas dit un seul mot de la circoncision dans tout l’Alcoran. Mahomet laissa subsister cette pratique ridicule, qu’il trouva établie chez les Arabes de temps immémorial ; c’était une superstition ancienne (comme elles le sont toutes) de présenter aux dieux ce qu’on avait de plus cher et de plus noble.

Jésus est le Messie. Cette citation de l’Alcoran est encore très-fausse. Jésus est appelé Christ dans plusieurs endroits du Koran ; c’est un nom propre, comme chez Tacite, qui dit : Impellente Christo quodam}[1].

Au reste, il faut bien observer qu’il y avait, du temps de Mahomet, vers l’Arabie, quelques exemplaires des Évangiles que nous ne recevions pas, comme celui de Barnabé [2], qui existe encore ; celui des basilidiens[3] et des ébionites[4] : c’est dans celui des basilidiens qu’on lisait que Jésus n’avait pas été crucifié, et que Dieu l’avait soustrait à la fureur de ses ennemis. C’est évidemment cet Évangile que Mahomet suivit, sans reconnaître jamais notre Sauveur pour fils de Dieu : car il dit expressément, dans plusieurs endroits, que Dieu n’a ni fils ni fille.

La béatitude dans les plus sales voluptés. Il faut apprendre à ce Paulian que la jouissance de la vue de Dieu est la première récompense promise dans l’Alcoran ; il est vrai qu’au sura 55, il dit que le paradis, c’est-à-dire le jardin, sera composé de trois grands bosquets dans l’un desquels sera un large bassin d’eau céleste, entouré de palmiers et de grenadiers. On trouvera, dit-il, dans ce lieu de délices, de belles vierges aux grands yeux noirs, des houris dont personne n’a jamais approché, et qui reposent sous de riches pavillons, couchées sur des tapis magnifiques.

Remarquons qu’il n’y a pas, dans ce chapitre, un seul mot qui puisse alarmer la pudeur. On y dit que ces nymphes ne seront connues que par ceux qui leur seront destinés pour époux : ce n’est pas là assurément une sale volupté. Toutes les religions anciennes, qui admirent tôt ou tard la résurrection, enseignèrent qu’on ressusciterait avec tous ses sens ; il n’était pas déraisonnable de penser que, puisqu’on avait des sens, on aurait aussi des sensations ; c’était le sentiment des pharisiens, chez le petit peuple juif, et, s’il est permis de comparer nos livres sacrés et

  1. Dans ses Annales, xv, 44, Tacite dit : « Auctor nominis ejus Christus. »
  2. Voyez tome XXVII, page 452.
  3. Voyez ibid.
  4. Voyez ibid., page 453.