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FRAGMENTS HISTORIQUES SUR L’INDE,

et nous vous rendons responsable envers le roi de tous les malheurs que des délais hors de saison pourraient occasionner. »

Cependant les Anglais s’approchent ; on croit qu’ils préparent un assaut. Lally ordonne à la garnison et aux habitants de prendre les armes, distribue aux soldats exténués de fatigue le seul tonneau de vin qui lui reste, et, quoique mourant, se fait porter sur la brèche, où il espérait trouver une mort glorieuse. Les Anglais se gardèrent bien d’attaquer une place qu’ils allaient prendre sans combat.

Le général assembla alors un conseil de guerre, composé de tous les principaux officiers qui faisaient encore le service : ils conclurent à se rendre ; mais ils différaient sur les conditions. Le comte de Lally, outré contre les Anglais, qui avaient, disait-il, violé en plus d’une occasion le cartel établi entre les deux nations, fit une déclaration particulière dans laquelle il leur reprochait leurs infractions aux traités. Ce n’était pas une politique prudente de parler de leurs torts à des vainqueurs, et d’aigrir ceux qu’il fallait fléchir ; mais tel était son caractère. Après leur avoir exposé ses plaintes, il demandait qu’on laissât un asile à la mère et aux sœurs d’un raïa, qui s’étaient réfugiées à Pondichéry lorsque ce raïa eut été assassiné dans le camp des Anglais mêmes. Il leur reprochait vivement, selon sa coutume, d’avoir souffert cette barbarie. Le colonel Cootes ne fit aucune réponse à cette déclaration hardie. Le conseil de Pondichéry envoya de son côté au commandant anglais des articles de capitulation, rédigés par le jésuite Lavaur : ce missionnaire les porta lui-même. Cette démarche aurait été bonne au Paraguai, mais non pas avec des Anglais. Si Lally les offensait en les accusant d’injustices et de cruauté, on les offensait davantage en députant un jésuite intrigant pour négocier avec des guerriers victorieux. Le colonel ne daigna pas seulement lire les articles du jésuite, mais il donna les siens. Les voici :

« Le colonel Cootes veut que les Français se rendent prisonniers de guerre, pour être traités comme il conviendra aux intérêts du roi son maître. Il aura pour eux toute l’indulgence qu’exige l’humanité.

« Il enverra demain matin, entre huit et neuf heures, les grenadiers de son régiment prendre possession de la porte Vilmour.

« Après-demain, à la même heure, il prendra possession de la porte Saint-Louis.

« La mère et les sœurs du raïa seront escortées à Madras. On