Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/183

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
173
SUR L’INDE.

Quoi qu’il en soit, les debta, ces favoris de Dieu, abusant de leur bonheur et de leur liberté[1], se révoltèrent contre leur créateur. Une partie de cette fable fut sans doute l’origine de la guerre des géants contre les dieux, des attentats de Typhon contre Ishet et Oshiret, que les Grecs appelèrent Isis et Osiris, et de la rébellion éternelle d’Arimane contre son créateur, Orosmade ou Oromase chez les Perses. On sait assez que la fable se propage plus aisément et plus loin que la vérité. Les extravagances théologiques des Indiens firent plus de progrès chez leurs voisins que leur géométrie.

Il ne paraît pas que les Syriens aient jamais rien adopté de la théologie indienne. Ils avaient leur Astarté, leur Moloc, leur Adonis ou Adoni : ils n’entendirent jamais parler en Syrie de la révolte des debta dans le ciel. Le petit peuple juif n’en fut un peu plus informé que vers le premier siècle de notre ère, lorsque dans la foule de mille écrits apocryphes on en supposa un qu’on osa attribuer à Énoc, septième homme après Adam[2]. On fait dire à ce septième homme que les anges firent autrefois une conspiration ; mais c’était pour coucher avec des filles. Le prétendu Énoc nomme les anges coupables ; il ne nomme point leurs maî-


    très-simple, comme le style de toute la Genèse l’est, et le doit être. Le sublime est ce qui s’élève, et l’histoire de la Genèse ne s’élève jamais. On y raconte la production de la lumière comme tout le reste, en répétant toujours la même formule : « et la terre était informe et vide, et les ténèbres étaient sur la superficie de l’abîme, et le vent de Dieu soufflait sur les eaux, et Dieu dit : Que la lumière se fasse ; et la lumière se fit ; et il vit que la lumière était bonne, et il divisa la lumière des ténèbres, et il appela la lumière jour, et il fut fait un jour, le soir et le matin. Dieu dit aussi que le firmament se fasse au milieu des eaux, et qu’il divise les eaux des eaux ; et Dieu fit le firmament, et il divisa les eaux sous le firmament des eaux sur le firmament ; et il appela le firmament ciel ; et il fut fait un second jour, le soir, et le matin, etc. ; et Dieu dit : Que les eaux qui sont sous le ciel se rassemblent en un seul lieu, et que l’aride paraisse ; et il fut fait ainsi. Et Dieu appela l’aride la terre, et il appela l’assemblage des eaux la mer, et il vit que cela était bon ». Il est de la plus grande évidence que tout est également simple et uniforme dans ce récit, et qu’il n’y a pas un mot plus sublime qu’un autre.

    Ce fut le sentiment de Huet : Boileau le combattit rudement avant que Huet fût évêque. Celui-ci répondit savamment, et Boileau se tut quand Huet fut promu à un évêché. Le Clerc ayant soutenu l’opinion de Huet, et n’étant point évêque, Boileau tomba plus rudement encore sur Le Clerc, qui lui répondit de même. (Note de Voltaire.)

  1. Cet abus énorme de la liberté, cette révolte des favoris de Dieu contre leur maître pouvait éblouir, mais ne résolvait pas la question : car on pouvait toujours demander pourquoi Dieu donna à ses favoris le pouvoir de l’offenser ; pourquoi il ne les nécessita pas à une heureuse impuissance de mal faire. Il est démontré que cette difficulté est insoluble. (Id.)
  2. Jude, verset 14.