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SUR L’HISTOIRE GÉNÉRALE.

laine de la Chine : nous la surpassons à force de soins ; mais ces soins mêmes la rendent très-chère, et d’un usage peu commun. Le grand secret des arts est que toutes les conditions puissent en jouir aisément.

M. de Pauw, auteur des Recherches philosophiques, ne fait pas des réflexions indulgentes. Il reproche aux Chinois leurs tours vernissées à neuf étages, sculptées, et ornées de clochettes. Quel est l’homme pourtant qui ne voudrait pas en avoir une au bout de son jardin, pourvu qu’elle ne lui cachât pas la vue ? Le grand prêtre juif avait des cloches au bas de sa robe ; nous en mettons au cou de nos vaches et de nos mulets. Peut-être qu’un carillon aux étages d’une tour serait assez plaisant.

Il condamne les ponts qui sont si élevés que les mâts de tous les bateaux passent facilement sous les arcades, et il oublie que, sur les canaux d’Amsterdam et de Rotterdam, on voit cent ponts-levis qu’il faut lever et baisser plusieurs fois jour et nuit.

Il méprise les Chinois, parce qu’ils aiment mieux construire leurs maisons en étendue qu’en hauteur. Mais du moins il faudrait avouer qu’ils avaient des maisons vernies plusieurs siècles avant que nous eussions des cabanes où nous logions avec notre bétail, comme on fait encore en Vestphalie ; au reste, chacun suit son goût. Si on aime mieux loger à un septième étage.

. . . . . . . . . . . . Molles ubi reddunt ova columbæ,

(Juven., sat. iii, v. 202.)

qu’au rez-de-chaussée; si l’on préfère le danger du feu, et l’impossibilité de l’éteindre quand il prend au faîte d’un logis, à la facilité de s’en sauver quand la maison n’a qu’un étage ; si les embarras, les incommodités, la puanteur, qui résultent de sept étages établis les uns sur les autres, sont plus agréables que tous les avantages attachés aux maisons basses, nous ne nous y opposons pas. Nous ne jugeons point du mérite d’un peuple par la façon dont il est logé ; nous ne décidons point entre Versailles et la grande maison de l’empereur chinois, dont frère Attiret[1] nous a fait depuis peu la description.

Nous voulons bien croire qu’il y eut autrefois en Égypte un roi appelé d’un nom qui a quelque rapport à celui de Sésostris, lequel n’est pas plus un mot égyptien que ceux de Charles et de Frédéric. Nous ne disputerons point sur une prétendue muraille de trente lieues, que ce prétendu Sésostris fit élever pour em-

  1. Voyez tome XVII, page 558.