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SUR L’HISTOIRE GÉNÉRALE.

gleterre ? Est-ce la moitié de l’Amérique, dont ils sont souverains ?

À l’égard des Hollandais, monsieur l’abbé dit qu’ils n’accueillirent les réfugiés français que parce qu’ils sont sans religion. « Les Hollandais, dit-il, ne sont pas tolérants, ils sont indifférents. La philosophie ne les a pas éclairés ; elle a obscurci leurs lumières[1] » Il en fait ensuite un portrait affreux. C’est ainsi qu’il juge le monde entier.

Nous ne pouvons pas passer sous silence un reproche singulier que monsieur l’abbé fait aux protestants de France : « Reprochez-vous[2], ô huguenots, les meurtres de Henri III et de Henri IV, puisque, en conspirant contre François II et contre Charles IX, vous avez enhardi les cruelles mains des parricides. » On ne savait pas encore que le jacobin Jacques Clément et le feuillant Ravaillac fussent huguenots. C’est une fleur de rhétorique, et quelle fleur !

Il est temps de passer de M. l’abbé de Caveyrac à M. l’abbé Sabatier, tous deux également pieux, et également illustres.


ARTICLE XVI.[3]


Des dictionnaires de calomnies.


Un nouveau poison fut inventé depuis quelques années dans la basse littérature. Ce fut l’art d’outrager les vivants et les morts par ordre alphabétique : on n’avait point encore entendu parler de ces dictionnaires d’injures. Si nous ne nous trompons pas, ils commencèrent lorsque M. Ladvocat, bibliothécaire de la Sorbonne, l’un des plus sages et des plus modérés littérateurs, comme l’un des plus savants, eut donné son Dictionnaire historique, vers l’an 1740[4]. Un janséniste (car, pour le malheur de la France, il y avait encore des jansénistes et des molinistes) fit imprimer contre M. l’abbé Ladvocat un libelle diffamatoire en six volumes[5] sous le titre et dans la forme de dictionnaire.

  1. Voici le texte de Caveyrac, page 447 :

    « 1o Les Hollandais ne sont pas tolérants, mais indifférents. 2o La philosophie ne les a pas éclairés ; la cupidité, au contraire, a obscurci leurs lumières. »

  2. Page 32. (Note de Voltaire.)
  3. De cet article les éditeurs de Kehl avaient fait la XXVIIe Honnêteté littéraire ; voyez la note, tome XXVI, page 115.
  4. La première édition du Dictionnaire historique de Ladvocat est de 1752, deux volumes petit in-8o.
  5. C’est le Dictionnaire de Barrai et Guibaud, dont Voltaire a déjà parlé t. XIV, page 24 ; XV, 72 ; XVIII, 351 ; XXVI, 493, et XXVIII, 527. Ce dictionnaire n’a que quatre gros volumes, que cependant on a quelquefois reliés en six.