Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/307

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(Comme l’orateur, bien moins orateur que citoyen, prononçait ces paroles, arriva la nouvelle que les trois princesses[1], filles du feu roi, étaient attaquées de la petite vérole. Alors il continua ainsi : )

Messieurs, à nos douloureux regrets succèdent les plus cruelles alarmes ; nous pleurions, et nous tremblons : la France doit être en larmes et en prières ; mais que peuvent les vœux des faibles mortels ! On a invoqué en peu de temps la patronne de Paris pour les jours du dernier dauphin, pour son épouse, pour sa mère, enfin pour le feu roi : Dieu n’a point changé ses décrets éternels. Puisse sa providence ineffable avoir ordonné que l’art vienne heureusement combattre les maux dont la nature accable sans cesse le genre humain ! Que l’inoculation nous assure la conservation de notre nouveau roi, de nos princes et de nos princesses ! Que les exemples de tant de souverains les encouragent à sauver leur vie par une épreuve qui est immanquable quand elle est faite sur un corps bien disposé. Il ne s’agit plus ici d’achever l’éloge du feu roi, il s’agit que son successeur vive. L’inoculation nous paraissait téméraire avant les exemples courageux qu’ont donnés M. le duc d’Orléans[2], le duc de Parme, les rois de Suède, de Danemark, l’impératrice-reine[3], l’impératrice de Russie[4]. Maintenant il serait téméraire de ne la pas employer. C’est notre malheur que les vérités et les découvertes en tout genre essuient longtemps parmi nous des contradictions ; mais quand un intérêt si cher parle, les contradictions doivent se taire.


FIN DE L’ÉLOGE FUNÈBRE DE LOUIS XV.
  1. Adélaïde, Sophie et Victoire. Elles furent toutes trois atteintes de la petite vérole, sept ou huit jours après la mort de leur père, et par suite des soins qu’elles lui avaient prodigués. Mais leur maladie ne fut ni longue ni dangereuse.
  2. Voyez tome XXIV, page 468.
  3. Voyez tome XXV, page 337.
  4. Voyez, dans la Correspondance, la lettre de Catherine II, du 6-17 décembre 1768.