Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/559

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son livre des Récognitions ou reconnaissances par un doute sur l’immortalité de l’âme. Il avoue qu’il prit la résolution d’aller en Égypte apprendre la nécromancie, la magie, pour s’instruire à fond sur l’âme.

Il est donc, ce me semble, bien certain, messieurs les juifs, vous qui respectiez tant les saducéens, ennemis de l’immortalité de l’âme, il est bien démontré que nous avions besoin de la révélation pour nous instruire sur un sujet si intéressant. Ce n’était pas assez d’un Socrate et d’un Platon, il nous fallait un plus grand homme.

Je ne vous parle pas ainsi pour vous reprocher le crime que vous avez commis envers ce plus grand homme. Je me plais à croire que vous ne descendez pas de ces fanatiques qui criaient en leur patois, comme on a crié ailleurs en tant d’occasions : Tolle, tolle. Je présume que vous êtes Portugais, et que vos ancêtres s’établirent vers les Algarves du temps de Moïse, lorsque plusieurs Juifs suivirent les Tyriens qui vinrent faire exploiter les mines d’or et d’argent des Espagnes.

Je vous ai déjà dit[1] que, loin d’être votre ennemi, je suis votre généalogiste. Je suis persuadé très-sérieusement que votre race pouvait être établie en Andalousie et dans l’Estramadoure avant les Carthaginois, avant les Romains, et que, par conséquent, elle ne put être instruite de ce qui se passa du temps de l’empereur Tibère vers le torrent de Cédron, qui est à sec six mois de l’année. Si mon ami, en qualité de chrétien, a qualifié de détestables[2] les gens de Jérusalem, qui, supposé qu’ils parlassent grec au préteur Pilatus romain, s’écrièrent, selon saint Matthieu[3] : « Σταυρωθήτω, σταυρωθήτω, τὸ αἷμα αὐτοῦ ἐφ’ ἡμᾶς, καὶ ἐπὶ τὰ τέκνα ἡμῶν. Staurodeito, staurodeito, to aima autou eph eimas, kai epi ta tekna eimon. — Crucifiez, crucifiez, que son sang soit sur nous et sur nos enfants ! » certainement si vos aïeux étaient alors dans la Bétique, ou dans le canton de Sétubal, si fameux pour son vin, ils ne pouvaient être coupables de ce crime.

PÉRORAISON.
à m. guenée, secrétaire des juifs.

Je suppose, monsieur, que vous êtes enterré, et que moi et mon ami nous le sommes aussi. Nous comparaissons tous trois

  1. Voyez tome XIX, page 530.
  2. Voyez tome XVIII, page 453.
  3. Chapitre xxvii, v. 23, 24, 25.