Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/562

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qu’ils sont fades, ridicules, aussi mal raisonnés que l’Alcoran, et aussi dégoûtants que le Sadder.

Je vous abandonne, monsieur, le Zend-Avesta de Zoroastre, que je ne connais point, et l’Alcoran, que je connais. Mais permettez que je prenne le parti du Sadder[1], qui est le catéchisme des Parsis modernes, que nous nommons Guèbres. Il est divisé en cent portes, par lesquelles on entre dans le ciel. En voici quelques-unes ; entrez, monsieur.

Porte IVe. Zoroastre, se promenant un jour avec Dieu auprès de l’enfer, vit un damné auquel il manquait un pied. « C’est un roi, lui dit Dieu, qui régnait sur trente-trois villes, et qui n’a jamais fait que des actions tyranniques ; mais un jour il aperçut une brebis qui était liée trop loin de son herbe, il lui donna un coup de pied pour l’en rapprocher ; c’est le seul bien qu’il ait jamais fait. J’ai mis son pied en paradis, et son corps en enfer. »

Mon ami, que vous vilipendez tant que vous pouvez, avait, il y a plus de dix ans, écouté à cette porte ; il l’avait citée dans plusieurs de ses ouvrages[2], car il aime à répéter pour inculquer. Vous voyez bien, monsieur, qu’il avait lu ce Sadder, et qu’il n’avait pas pris un livre pour un homme. M. l’abbé Foucher[3] peut avoir lu le Sadder, mais mon ami possède son Sadder aussi. Il est vrai qu’il a pris un peu de liberté avec le texte sacré guèbre ; il a mis un âne pour une brebis, afin de rendre la chose plus vraisemblable, car on lie un âne à sa mangeoire, et on ne lie guère une brebis.

Porte IXe. La pédérastie est un crime abominable, etc. Il est défendu par le Zend, il révolte la nature.

Mon ami cita encore cette porte pour prouver que les Romains, souillés de cette infamie tant célébrée par Horace, avaient grand tort de dire qu’elle était recommandée par les lois de la Perse. Mon ami se servit de cette porte contre M. Larcher, qui croyait cette vilenie plus permise qu’elle ne l’était.

Porte XIIIe. Chérissez votre père et votre mère… que toute la famille soit contente de vous afin qu’elle vous bénisse éternellement.

Cette porte semble avoir quelque chose de plus fort, si on ose le dire, que ce commandement : « Honore ton père et ta mère, afin de vivre longtemps sur la terre. »

  1. Voyez tome XI, pages 198 et suivantes.
  2. Voyez tome XI, page 198 ; XVII, 161.
  3. Voyez tome XXVII, page 431.