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et Michée, tous les traits de satire judaïque que vous croyez pouvoir retomber sur la nation française. Si c’est une niaiserie, elle est très-éloquente : on ne peut, à mon gré, déclamer plus hautement contre son siècle.

Cela me fait souvenir de M. J. Brown, brave théologien anglais. Il fit imprimer deux volumes contre les sottises de sa patrie, au commencement de la guerre de 1756. Il démontra éloquemment dans ce livre, intitulé Tableau des mœurs anglaises[1], qu’il était impossible que l’Angleterre ne fût pas abîmée dans deux ans qu’arrivat-il ? l’Angleterre fut victorieuse dans les quatre parties du monde. J’en souhaite autant à la France, en réponse à votre pieuse satire. Je fais mieux, je souhaite qu’elle n’ait point de guerre. J’aime mieux vivre sous des Salomons que sous des Judas Machabées. Mais, croyez-moi, monsieur le secrétaire juif, ne comparez jamais Jérusalem à Paris ; le torrent de Cédron ne vaut pas le Pont-Neuf.

XVe NIAISERIE.
quel peuple le plus superstitieux ?

Après avoir recherché quel fut autrefois le plus barbare de tous les peuples, vous examinez à présent quel fut le plus superstitieux, c’est-à-dire le plus sot. Je n’ai point de balances pour peser ainsi les nations. On pourrait vous répondre en général que le plus sot homme, comme le plus sot peuple, est celui qui dit et qui fait le plus de sottises ; et alors il n’y aurait plus qu’à compter. Nous prendrions les historiens qu’on fait lire à la studieuse jeunesse ; nous verrions chez qui l’on trouve le plus de façons de connaître l’avenir, soit à l’aide d’un psaltérion, soit avec un petit bâton recourbé, soit en donnant à manger à des poules. Nous verrions quelle nation a eu plus de métamorphoses, plus de sorciers, plus de loups-garous ; dans quel pays on a vu plus de princes fouettés par des prêtres ; quelles archives possèdent la suite la plus complète de fadaises dégoûtantes et de contes, que la plus imbécile et la plus bavarde nourrice n’oserait répéter aujourd’hui.

Nec pueri credunt, nisi qui nundum ære lavantur.

(Juven., sat.. ii, v. 152.)
  1. An estimate of the manners and principles of the times, 1757-58, deux volumes in-8o, dont le premier a été traduit en français par Chais, sous ce titre : ""Les Mœurs anglaises, ou Appréciation des mœurs et des principes qui caractérisent la nation britannique"". La Haye 1758, in-8o.