Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/572

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Alors on pourrait hasarder de juger à qui l’on doit le prix de la sottise ; mais il serait trop dangereux de donner ce prix : trop de gens y prétendent. Il vaut mieux laisser chacun jouir en paix de la justice qu’il se rend tout bas.

XVIe NIAISERIE.
quel peuple le plus brigand ?

Vous demandez ensuite quel peuple a été le plus voleur, le plus brigand. Et quand on vous représente, selon votre propre déclaration, que le peuple de Dieu vola neuf millions aux Égyptiens pour aller faire bonne chère dans des déserts ; quand on vous dit qu’ensuite ce peuple de Dieu s’empara du pays de Chanaan, qui ne lui appartenait pas ; vous prenez à partie mon ami, qui n’a rien dit de cela. Vous lui adressez ces paroles foudroyantes : « Vous traitez nos pères de brigands ; qu’étaient les vôtres ? »

Je vous ai déjà dit[1], monsieur le secrétaire, que ni moi ni mon ami ne prétendons descendre d’un conquérant des Gaules ; nous croyons être issus d’une famille de bons Gaulois pacifiques.

Nous n’avons trouvé dans notre généalogie aucun coupe-jarret qui ait servi sous le chrétien Clovis, quand ce brave converti força Cararic, roi ou maire d’Arras, et le fils de Cararic, à se faire sous-diacres, et qu’il leur fit ensuite couper la gorge à tous deux ; quand il fit marché avec Cloderic, fils de Sigebert, roi de Cologne, pour assassiner ce Sigebert son père, et qu’il assassina ensuite ce Cloderic parricide, pour avoir son argent ; quand il fendit la tête à coups de hache à Ragnacaire, roi de Cambrai, et à son frère Riker, après souper ; quand il assassina Rignomer, roi du Mans, etc., etc.

En vérité on croit lire l’histoire de vos rois Achab, Jéhu, Ochosias… Je ne croyais pas terminer cette seizième niaiserie par ces horreurs de cannibales. Je voulais seulement contredire la généalogie qui nous fait descendre des Francs, mon ami et moi. Il faut éplucher avec vous tant de généalogies ! C’était là une franche niaiserie ; mais Rignomer, Riker, Ragnacaire, Sigebert, Cloderic, Achab, Jéhu, Ochosias…, se sont présentés, et je suis tombé à la renverse.

  1. Voltaire l’a dit dans sa lettre à La Chalotais, du 11 juillet 1762.