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faute d’un avocat dont ils reconnaissent d’ailleurs l’éloquence et l’intégrité.

Je suis avec un profond respect, Messieurs,

Votre très-humble et très-obéissant serviteur,

VOLTAIRE.


LETTRE II

À Ferney, 16 auguste 1773.

MESSIEURS,

Un de vos compatriotes, certain de l’innocence de M. de Morangiés, mais alarmé par le dernier mémoire fait contre lui, et sachant combien il faut craindre les jugements des hommes, m’a communiqué ses inquiétudes[1]. Je les partage, et voici ma réponse.

Je vous ai déjà mandé que l’honneur de M. le comte de Morangiés est à couvert par la publicité du sentiment du roi et du vôtre. Je vous supplie de remarquer que Sa Majesté n’a déclaré son opinion qu’après avoir entendu parler à fond de ce procès, et après avoir pesé les raisons. Vous en avez usé de même. Songez que, dans les commencements, la cabale avait séduit Paris et la cour contre l’accusé : on n’est revenu que parce que enfin la vérité s’est montrée.

Souffrez que je vous retrace ici une partie des raisons qui ont depuis déterminé toute la cour, toute l’armée, tous les magistrats éclairés, tous les gens considérables du royaume, et même un grand nombre d’étrangers,

1° L’impossibilité que la Véron eût cent mille écus en or, provenants de la source chimérique qu’elle alléguait.

2° L’inconcevable absurdité du transport clandestin, de Paris au fond de la Champagne, d’un coffre rempli d’or, que quatre hommes ne pouvaient remuer, selon le dernier factum de l’avocat des Véron ; et ce même coffre rapporté clandestinement à Paris, sans qu’on dise le nom du voiturier, sans qu’aucun de la famille Véron se soit douté qu’il y eût de l’argent dans ce coffre ;

  1. Voltaire veut désigner sans doute le comte de Rochefort.