ACTE III, SCÈNE IV. 189
Sur rincertain Coiicy mon cœur a trop compté. Il a vu ma fureur avec tranquillité ; Ou ne soulage point des douleurs qu’on méprise ; 11 faut qu’en d’autres mains ma vengeance soit mise. Vous, que sur nos remparts on porte nos drapeaux ; Allez, qu’on se prépare à des périls nouveaux !
( Il reste seul.)
Eh bien ! c’en est donc fait : une femme perfide
Me conduit au tombeau, chargé d’un parricide !…
Qui, moi, je tremblerais des coups qu’on va porter !
Je chéris la vengeance, et ne puis la goûter ;
Je frissonne, une voix gémissante et sévère
Crie au fond de mon cœur : Arrête, il est ton frère !
Ah ! prince infortuné, dans ta haine afïermi,
Songe à des droits plus saints ; Nemours fut ton ami.
jours de notre enfance ! ù tendresses passées !
Il fut le confident de toutes mes pensées.
Avec quelle innocence et quels épanchements
Nos cœurs se sont appris leurs premiers sentiments !
Que de fois, partageant mes naissantes alarmes,
D’une main fraternelle essuya-t-il mes larmes !
Et c’est moi qui l’immole, et cette même main
D’un frère que j’aimai déchirerait le sein !
Funeste passion dont la fureur m’égare !
Non, je n’étais point né pour devenir barbare ;
Je sens combien le crime est un fardeau cruel…
xMais, que dis-je ? Nemours est le seul criminel.
Je reconnais mon sang, mais c’est à sa furie :
11 m’enlève l’objet dont dépendait ma vie ;
Jl aime Adélaïde… Ah ! trop jaloux transport !
Il l’aime, est-ce un forfait qui mérite la mort ?
Mais, lui-même, il m’attaque, il brave ma colère,
11 me trompe, il me hait… N’importe, il est mon frère.
C’est à lui seul de vivre : on l’aime, il est heureux ;
C’est à moi de mourir ; mais mourons généreux.
Je n’ai point entendu le signal homicide.
L’organe des forfaits, la voix du parricide ;
Il en est temps encor.