Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome3.djvu/284

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GOTTON.

Oh ! ma pauvre petite Michelle, je m’en vais pleurer à mon tour.

MADAME MICHELLE.

Allez, ne pleurez pas ; M. le comte de Fatenville est arrivé, et vous allez être madame la comtesse.

GOTTON, vivement.

Dis-tu vrai ? est-il possible ? ne me trompes-tu point ? Ma bonne Michelle, il y a ici un mari pour moi ! un mari ! un mari ! Qu’on me le montre ! où est-il ? que je le voie ; que je voie monsieur le comte. Me voilà mariée, me voilà comtesse, me voilà à Paris : je ne me sens pas de joie. Viens, que je t’embrasse, que je t’étouffe de caresses.

MADAME MICHELLE.

Le bon petit naturel !

GOTTON.

Premièrement, une grande maison, un équipage magnifique, des diamants, et l’opéra tous les jours, et toute la nuit à jouer, et tous les jeunes gens amoureux de moi, et toutes les femmes jalouses. La tête me tourne, la tête me tourne de plaisir.

MADAME MICHELLE.

Contenez-vous donc un peu, s’il vous plaît : tenez, voilà votre mari qui vient ; voyez s’il n’est pas bien fait.

GOTTON.

Oh ! je l’aime déjà de tout mon cœur : ne dois-je pas courir l’embrasser, madame Michelle ?

MADAME MICHELLE.

Non vraiment, gardez-vous-en bien : il faut, au contraire, être sur la réserve.

GOTTON.

Mais puisqu’il est mon mari, et que je le trouve joli…

MADAME MICHELLE.

Il vous mépriserait si vous lui montriez trop d’affection.

GOTTON.

Ah ! je vais donc bien me retenir.


Scène VI.

LE CHEVALIER, GOTTON, MADAME MICHELLE.
GOTTON, au chevalier.

Je suis votre très-humble servante ; je suis enchantée de vous