Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome3.djvu/292

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LE BARON.

Mon ami, je suis bien aise de t’apprendre que tes visées étaient mal prises, et que monsieur le comte et Trigaudin sont ici.

LE COMTE.

Le comte est ici, beau-père ! Vous me dites là des choses incroyables, sur mon honneur.

LE BARON, à haute voix, en se tournant vers le château.

Monsieur le comte, monsieur Trigaudin, venez montrer à ce coquin qui vous êtes. (À ses gens, restés dans le château.) Holà ! hé ! qu’on avertisse monsieur le comte que je veux avoir l’honneur de lui parler… Personne ne répond : il faut donc que j’aille les chercher moi-même. (À Martin et à Jerôme, qui gardent le comte.) Et vous, en attendant, conduisez ce bohème-là en prison.


Scène IX.

LE COMTE DE FATENVILLE, garrotté ; GOTTON,
les deux gardes.
LE COMTE.

J’ai beau me servir de tout mon esprit, et assurément j’en ai beaucoup, je ne comprends rien à cette aventure. (À Gotton.) Ma belle demoiselle, est-ce ainsi que vous recevez les gens qui viennent pour vous épouser ?

GOTTON, à part.

Plus je regarde ce drôle-là, et plus il me paraît assez revenant. (Au comte.) Mais de quoi t’avisais-tu aussi de prendre si mal ton temps pour m’enlever ? Je te pardonne de tout mon cœur : puisque tu voulais m’avoir, c’est que tu me trouvais belle ; va, je te promets de pleurer quand on te pendra.

LE COMTE, à part.

La fille n’a pas plus de raison que le père.

GOTTON.

Je te fais perdre la raison ? Pauvre garçon ! (À part.) Ah ! que je ferai de passions ! qu’on m’aimera.

LE COMTE, à part.

Les jolies dispositions ! le beau petit naturel de femme !