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AVERTISSEMENT

POUR LA PRf : SEXTE ÉDITION.

La Mort de César est le pendant de Brutus. Dans Brutus, voltaire a montré le vieux Romain immolant ses enfants à la liberté ; dans la Mort de César, il montre l’autre Brutus immolant son père à la république.

« Trois personnages principaux, dit Laliarpe, César, Brutus et Cassius, sagement dessinés et coloriés avec le pinceau le plus mâle et le plus fier ; une action simple et grande, une marche claire et attachante depuis la première scène jusqu’au moment où César est tué ; une intrigue serrée par un seul nœud, le secret de la naissance de Brutus, secret dont la découverte produit le combat de la nature et de la patrie ; les mouvements qui naissent de cette lutte intérieure, et qui n’ébranlent une âme à la fois romaine et stoïque qu’autant qu’il le faut pour accorder à la nature ce que le devoir ne peut jamais lui ôter, et pour en tirer la pitié tragique sans laquelle l’admiration n’est pas assez théâtrale ; une foule de scènes du premier ordre, celle de la conspiration, celle où Brutus apprend aux conjurés qu’il est fils de César, et s’en remet à eux pour prononcer sur ce qu’il doit faire ; les deux scènes entre César et Brutus où la progression est observée, quoique l’objet en soit à peu près le même ; le récit de Cimber ; enfin le style qui, proportionné au sujet et aux personnages, est presque toujours sublime ou par la pensée ou par l’expression : voilà ce qui a placé cet ouvrage parmi ceux qui doivent faire le plus d’honneur à Voltaire, soit comme auteur dramatique, sort comme versificateur. »

Nous donnons ici la note purement admirative de l’ancienne critique. 11 nous faut pourtant faire entendre, non pas la contradiction, mais une appréciation plus libre et plus large, et nous allons reproduire la comparaison que M. Villemain, dans le Tableau de la Littérature du dix-huitième siècle, établit entre l’œuvre de Shakespeare et l’œuvre de Voltaire. M. Villcmain s’exprime ainsi :

« Voltaire voulut réaliser ce drame patriotique et républicain qu’il avait admiré sur le théâtre de Londres, et imparfaitement essayé dans Brutus. Il supprima les intrigues d’amour, les personnages de femme, et composa dans