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ACTE III, SCÈNE III. 347

Admirant ses vertus, condaimianl ses forfaits ;

Voyant en lui mon père, un coupable, un grand homme.

Entraîné par César, et retenu par Rome ;

D’iiorronr et de pitié mes esprits déchirés

Ont s(nihait( la mort que vous lui préparez.

Je vous dirai bien plus ; sachez que je l’estime :

Son grand cœur me séduit, au sein même du crime ;

Et si sur les lîomains quel({u’un pouvait régner.

Il est le seul tyran que l’on dût épargner.

Ne vous alarmez point ; ce nom que je (h’-teste,

Ce nom seul de tyran l’emporte sur le reste.

Le sénat, Rome, et vous, vous avez tous ma foi :

Le bien du monde entier me parle contre un roi.

J’embrasse avec horreur une vertu cruelle ;

J’en frissonne à vos yeux, mais je vous suis fidèle.

César me va parler ; que ne puis-je aujourd’hui

L’attendrir, le changer, sauver l’État et lui !

Veuillent les immortels, s’expliquant par ma bouche.

Prêter à mon organe un pouvoir qui le touche !

Mais si je n’obtiens rien de cet ambitieux.

Levez le bras, frappez, je détourne les yeux.

Je ne trahirai point mon pays pour mon père :

Que l’on approuve, ou non, ma fermeté sévère ;

Qu’à l’univers surpris cette grande action

Soit un objet d’horreur ou d’admiration ;

Mon esprit, peu jaloux de vivre en la mémoire.

Ne considère point le reproche ou la gloire ;

Toujours indépendant, et toujours citoyen.

Mon devoir me suffit, tout le reste n’est rien.

Allez, ne songez plus qu’à sortir d’esclavage,

CASSIUS.

Du salut de l’État ta parole est le gage.

Nous comptons tous sur toi, comme si dans ces lieux

Nous entendions Caton, Rome même, et nos dieux.

SCÈNE III.

BRUTUS.

Voici donc le moment où César va m’entend re Voici ce Capitole où la mort va l’attendre ;