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DISCOURS PRIlLIMINAIHI : . 381

un éclair de réputation, qui, hors de notre petit horizon, ne frappe les yeux de personne. iNous sommes dans un temps de disette ; nous avons peu, nous nous l’arrachons. Virgile et Horace ne se disputaient rien, parce qu’ils étaient dans l’abondance.

On a imprimé un livre, de Morbis Arli/icum, des Maladies des Artistes ’, La plus incurable est cette jalousie et cette bassesse. Mais ce (pi’il y a de déshonorant, c’est (pic l’intérêt a soinent plus de part encore que l’envie à toutes ces petites brochures satiriques dont nous sommes inondés. On demandait, il n’y a pas longtemps, à un homme qui avait fait je ne sais qnello mauvaise brochure contre son ami et son bionl’aiteur, pounjuoi il^s’était emporté à cet excès d’ingratitude. Il n’poiidit froidement : // faut que je vive *.

De ([uY’Npio source (|uo p ; irtent ces outrages, il est sûr qu’un homme (jui n’est attacjué que dans ses écrits ne doit janiaisrépon- dre aux critiques ^ car si elles sont bonnes, il n’a autre chose à faire qu’à se corriger ; et si elles sont mauvaises, elles meurent en naissant. S()u^enons-nous de la fable de Roccalini : (( In voya- geur, dit-il, était importuné, dans son chemin, du bruit des cigales ; il s’arrêta pour les tuer ; il n’en vint pas à bout, et ne fit (jue s’écarter de sa route : il n’avait qu’à continuer paisiblement son voyage ; les cigales seraient mortes d’elles-mêmes au bout de huit jours. »

Il faut toujours que l’auteur s’oublie ; mais l’homme ne doit jamais s’oublier : se ipsum deserere turpissinium est. On sait que ceux qui n’ont pas assez d’esprit pour attaquer nos ouvrages calomnient nos personnes ; quelque honteux qu’il soit de leur ré- pondre, il le serait quelquefois davantage de ne leur répondrepas^

t. Boriiardiii Ramazzioi, dans son fe.lforf^/s ArtifiJumdialriba, 1701, in-S", 1713, iri-4", traite des maladies des artisans. (B.)

2. Ce fut l’abbc Giu ot-Desfoiitaines qui fit cette réponse à M. le comte d’Argen- son, depuis secrétaire d’État de la guerre (1704), — A quoi le comte d’Argenson répliqua : « Je n’en vois pas la nécessité. » (K.)

3. Voltaire redit cela en 1759. (B.)

4. Dans l’édition originale, on lisait de plus ici :

« Il y a une de ces calomnies répétée dans vingt libelles au sujet de la belle édition anglaise de la Henriade. Il ne s’agit ici que d’un vil intérêt. Ma conduite prouve assez combien je suis au-dessus de ces bassesses. Je ne souillerai point cet écrit d’un détail si avilissant. On trouvera chez Bauche, libraire, une réponse sa- tisfaisante. Mais il y a d’autres accusations que l’honneur oblige à repousser. »

Ce passage fut supprimé, dès 1730, dans l’édition faite à Amsterdam chez Jacques Desbordes.

« On trouvera chez Bauche une réponse satisfaisante. » Il s’agissait peut-être des souscriptions à la //euriatie qu’avait reçues Thiériot, et dont Voltaire remboursa le montant.