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382 DISCOURS PRÏ- LIMlNxVIRE.

On m’a traité dans vingt libelles d’homme sans religion * : une des belles preuves (ju’on en a apportées, c’est que, dans Œdipe, Jocastc dit ces vers :

Los prêtres ne sont point co qu’un vain peuple pense : Notre crédulité fait toute leur science.

Ceux (pii m’ont fait ce reproche sont aussi raisonnables pour le moins que ceux qui ont imprimé que la Henriade\ dans plusieurs endroits, sentait bien son semi-pélagien. On renouvelle souvent cette accusation cruelle d’irréligion, parce que c’est le dernier refuge des calomniateurs. Comment leur répondre ? comment s’en consoler, sinon en se souvenant de la foule de ces grands hommes qui, depuis Socrate jusqu’à Descartes, ont essuyé ces calomnies atroces ? Je ne ferai ici qu’une seule question : je demande qui a le plus de religion, ou le calomniateur qui persé- cute, ou le calomnié qui pardonne.

Ces mêmes libelles me traitent d’homme envieux de la réputation d’autrui : je ne connais l’envie que par le mal qu’elle m’a voulu faire. J’ai défendu à mon esprit d’être satirique, et il est impossible à mon cœur d’être envieux. J’en appelle à l’auteur de Rhadamiste et cVÉlectre, qui, par ces deux ouvrages, m’inspira le premier le désir d’entrer quelque temps dans la même carrière : ses succès ne m’ont jamais coûté d’autres larmes que celles que l’attendrissement m’arrachait aux représentations de ses pièces ; il sait qu’il n’a fait naître en moi que de l’émulation et de l’amitié ^

1. Dans le Discours en réponse, dont j’ai parlé page 379, Voltaire dit que ce fut un nommé Rellechaume qui, dans une critique imprimée à’OEdipe, dit, à l’occasion des vers sur les prêtres : « Voilà la confession de foi d’un athée ». Or dans la Réponse à V Apologie du nouvel OFAipe, on lit après les deux vers sur les prêtres : « Cela s’appelle n’avoir aucun reste de religion. » D’où l’on peut conclure que c’est Bellechaume qui est auteur de la Réponse à l’Apologie. (B.)

2. Dans la seconde édition delà Bibliothèque janséniste (par le P. de Colonia), 1731, in-12, on a placé, page 256, la Ligue, ou Henri le Grand. C’est sous ce titre que parut, en 1723, la première édition de la Ilenriade ; mais la Henriade ne figure plus dans l’édition de la Bibliothèque janséniste donnée par Patouillet en 1753, quatre volumes in-12. (B.)

3. Dans Tédition de J. Desbordes, 1736, on lisait en note ce qui suit :

« L’auteur n’a jamais répondu aux invectives de personne qu’à celles du poëte Rousseau, homme ennemi de tout mérite, calomniateur de profession, reconnu et condamné pour tel, livré par la justice à la haine de tous les honnêtes gens, comme le cadavre d’un criminel qu’il est permis de disséquer pour l’utilité publique. »

Je n’ai trouvé cette note que dans l’édition de Desbordes. (B.)