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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome3.djvu/396

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Heureux, si j’avais pu, pour fruit de mes travaux,
En chrétiens vertueux, changer tous ces héros !
Mais qui peut arrêter l’abus de la victoire ?
Leurs cruautés, mon fils, ont obscurci leur gloire,
Et j’ai pleuré longtemps sur ces tristes vainqueurs,
Que le ciel fit si grands, sans les rendre meilleurs.
Je touche au dernier pas de ma longue carrière
Et mes yeux sans regret quitteront la lumière,
S’ils vous ont vu régir, sous d’équitables lois,
L’empire du Potoze et la ville des rois.

Gusman.

J’ai conquis avec vous ce sauvage hémisphère,
Dans ces climats brûlants j’ai vaincu sous mon père ;
Je dois de vous encore apprendre à gouverner,
Et recevoir vos lois plutôt que d’en donner.

Alvarès.

Non, non, l’autorité ne veut point de partage :
Consumé de travaux, appesanti par l’âge,
Je suis las du pouvoir ; c’est assez si ma voix
Parle encore au conseil et règle vos exploits.
Croyez-moi, les humains que j’ai trop su connaître
Méritent peu, mon fils, qu’on veuille être leur maître.
Je consacre à mon dieu trop longtemps négligé,
Les restes languissants de ma caducité.
Je ne veux qu’une grâce, elle me sera chère,
Je l’attends comme ami, je la demande en père.
Mon fils, remettez-moi ces esclaves obscurs,
Aujourd’hui, par votre ordre, arrêtés dans nos murs ;
Songez que ce grand jour doit être un jour propice,
Marqué par la clémence et non par la justice.

Gusman.

Quand vous priez un fils, seigneur vous commandez ;
Mais daignez voir au moins ce que vous hasardez.
D’une ville naissante encore mal assurée,
Au peuple américain nous défendons l’entrée :