Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome3.djvu/412

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À quels maux me livra sa barbare avarice ?
Pour m’arracher ces biens par lui déifiés,
Idoles de son peuple et que je foule aux pieds ?
Je fus laissé mourant au milieu des tortures.
Le temps ne peut jamais affaiblir les injures,
Je viens après trois ans d’assembler des amis
Dans leur commune haine avec nous affermis :
Ils sont dans nos forêts et leur foule héroïque
Vient périr sous ces murs ou venger l’Amérique.

Montèze.

Je te plains ; mais hélas ! Où vas-tu t’emporter ?
Ne cherche point la mort qui voulait t’éviter.
Que peuvent tes amis et leurs armes fragiles,
Des habitants des eaux, dépouilles inutiles,
Ces marbres impuissants en sabres façonnés,
Ces soldats presque nus et mal disciplinés,
Contres ces fiers géants, ces tyrans de la terre
De fer étincelants, armés de leur tonnerre,
Qui s’élancent sur nous aussi prompts que les vents,
Sur des monstres guerriers pour eux obéissants.
L’univers a cédé… cédons mon cher Zamore.

Zamore.

Moi fléchir, moi ramper, lorsque je vis encore !
Ah ! Montèze crois-moi, ces foudres, ces éclairs,
Ce fer, dont nos tyrans sont armés et couverts,
Ces rapides coursiers qui sous eux font la guerre,
Pouvaient à leur abord, épouvanter la terre.
Je les vois d’un œil fixe et leur ose insulter,
Pour les vaincre, il suffit de ne rien redouter.
Leur nouveauté, qui seule a fait ce monde esclave,
Subjugue qui la craint, et cède à qui la brave.
L’or, ce poison brillant qui naît dans nos climats,
Attire ici l’Europe, et ne nous défend pas.
Le fer manque à nos mains : les cieux, pour nous avares,
Ont fait ce don funeste à des mains plus barbares ;
Mais pour venger enfin nos peuples abattus,
Le ciel, au lieu de fer, nous donna des vertus.
Je combats pour Alzire, et je vaincrai pour elle.